Portrait de Damien Watine - Unyc

Damien Watine Dirigeant fondateur d’Unyc – Singulier et pluriel

D’un abord réservé, Damien Watine accorde sa confiance lorsqu’il estime que les éléments constitutifs de cette situation sont réunis. Mais alors, quel enthousiasme communicatif ! Et avec lui la volonté d’être, de faire, de transmettre.

Sep 2022
Par Pierre-Antoine Merlin

Tout avait mal commencé. La fixation du rendez-vous, les impondérables, le sort, la malédiction, tout s’était mal goupillé. La conjuration semblait parfaite pour faire de cette rencontre une occasion pénible de fébrilité, de tension et de nervosité. C’est pourtant le contraire qui s’est produit. À peine la conversation enclenchée, la fluidité, la confiance (réciproque) et le plaisir intellectuel ont prévalu. Deux heures d’écoute et d’échange, qui trouvent leur source première à Sablé-sur- Sarthe, au milieu des années 1970. « Je suis l’aîné d’une fratrie de trois, confie Damien Watine. Plutôt bon élève, en tout cas au début de ma scolarité, disons jusqu’en sixième. Néanmoins, j’avais déjà conscience de posséder une capacité d’attention limitée. Je m’ennuie très vite. C’est ce que l’on appelle, en termes scientifiques, un attention deficit disorder, avait précisé une personne qui connaissait le sujet. »

Dans son enfance, Damien Watine rencontre beaucoup de monde, pour plusieurs raisons, et notamment du fait que ses parents sont bien intégrés dans la vie locale. Son père est entrepreneur, sa mère pédicure. « D’une façon générale, mon enfance a été celle de l’insouciance et de la joie », résume-t-il. Tout au long de cet entretien, son regard se fige lorsqu’il évoque les étapes heureuses, ou simplement marquantes, de son parcours. L’enfance fait partie de ses madeleines proustiennes. Ou plutôt : l’enfance à Sablé. De la madeleine au sablé, il n’y a qu’un pas…

Portrait de Damien Watine - Unyc

« On passe trop de temps au travail pour que ce ne soit pas fun. Cela ne peut pas être une souffrance. »  

DU MANS À L’ARIZONA

Bizarrement, les choses vont changer. L’âge de quatorze ans semble être une rupture, ou un nouveau départ, pour le jeune Damien. D’abord, la famille déménage au Mans, ville préfecture, pourtant proche de Sablé, avec des mentalités apparemment semblables. Cependant l’approche de l’adolescence se fait sentir, de façon inconsciente mais forte chez ce garçon qui veut se réaliser, et qui, décidément, ne redoute rien tant que l’ennui. De fait, la scolarité et ses rites immuables de progression régulière vers le bac lui pèsent de plus en plus.

Portrait de Damien Watine - Unyc

Alors c’est décidé : avec le concours de ses parents, membres du Rotary et qui l’aident dans ses projets, il quitte le lycée après la classe de seconde et file aux États-Unis. Ce sera l’Arizona, dans une famille d’accueil. C’est là que tout commence et tout recommence. « C’est moi qui ai choisi l’Arizona, car je souhaitais que l’expérience et le dépaysement soient complets. Là-bas, je découvre le pire comme le meilleur. Et aussi : une pauvreté qu’on ne soupçonne pas. Voir les choses de loin, prendre du champ, c’est important. » Visiblement, l’Amérique que découvre Damien Watine, alors qu’il est en plein âge ingrat, n’a rien à voir avec celle des voyages d’affaires formatés. Elle est profonde, incurieuse, rustique… et attachante, pourtant, à sa manière dure et rude.

À son retour, il a gagné en maturité mais ne s’est pas encore trouvé. « Je fais un peu de tout. Vendeur à Hongkong, barman à Londres où je travaille aussi au marketing de Renault. Et ainsi de suite. Ce sont des années où je me cherche. Je me sens un peu en marge… sans entrer dans les détails, on peut dire que je me cherche pas mal. » Sans doute, mais tous les jeunes qui se sentent un peu en marge ne quittent pas pour autant le lycée pour vivre l’aventure américaine, de façon quasi esseulée, dans un État qu’on ne voit guère que dans les westerns – et dont personne ne connaît la ville principale. En réalité, Damien Watine ne le sait pas encore, mais il est en train de se forger un caractère à sa mesure : être plutôt qu’avoir.

SA MÉTHODE EST AUSSI SIMPLE À ÉNONCER QUE COMPLEXE À RÉALISER

Le déclic, prélude à la maturité, arrive en 2002, au moment où il entre chez Rightvision. « Je suis responsable commercial pour l’Espagne, la Belgique et les Pays-Bas. On est un peu l’ancêtre du cloud pour les PME. Et, pour moi, c’est une expérience importante : on peut dire que le passage chez Rightvision me met sur les rails. »

L’accélération survient en 2004 avec la création de ce qui deviendra Unyc, pour le moment Serveurcom en tant que raison sociale initiale, sans oublier la marque commerciale Sarthe Telecom. Là encore, le regard de Damien Watine se fait fixe et sensible, les images lui reviennent. L’installation au Mans, la vie sur une péniche à proximité de la Concorde, « devant l’Assemblé nationale », précise-t-il.

Inutile de détailler la genèse de ce groupe, puisqu’il s’agit, dans cette rubrique, de cerner la personnalité d’un homme, qui les vaut tous et que vaut n’importe qui. Une endoscopie qui concerne sa capacité à manager, ce qui ne relève pas entièrement du parcours de l’entreprise. Qu’il suffise de préciser l’idée qui préside à la création de l’oeuvre de sa vie, et qui se confirme : il s’agit de simplifier les solutions télécoms pour professionnels, en jouant résolument sur la qualité, la proximité, et le recours à la vente indirecte.

L’acronyme Unyc – nouveau nom de la société – désigne ainsi « un seul opérateur, une seule plate-forme pour permettre la synchronisation de tous les équipements des collaborateurs au sein d’une société, comme des entreprises avec leur écosystème ». La méthode Watine est aussi simple à énoncer que complexe à réaliser : identifier les envies et les besoins, même s’ils ne sont pas exprimés, et les satisfaire. En somme, sentir la demande sous-jacente dans un domaine déterminé, puis créer l’offre. Aussi vite et près que possible.

Pour animer une telle structure, agile et en mouvement perpétuel, il faut faire confiance. « En interne, je délègue et je fais confiance. Pour une raison facile à comprendre : je manage les gens comme je veux être managé. Par ailleurs, je veux que cette boîte survive. C’est mon but. Dans ces conditions, l’autorité pour l’autorité ne m’intéresse pas. Et puis, on passe trop de temps au travail pour que cela ne soit pas fun. Exercer un métier ne peut pas être une souffrance. Un manager, c’est quelqu’un qui permet à ses collaborateurs de s’épanouir. Quant aux brebis galeuses, la meute s’en occupe. » Et après ? L’enthousiasme de Damien Watine est une énergie renouvelable.

Portrait de Damien Watine - Unyc

« Je manage les gens comme je veux être managé. Dans ces conditions, l’autorité pour l’autorité ne m’intéresse pas. »  

CONSTRUIRE ET TRANSMETTRE

Dès à présent, il investit dans les jeunes pousses, et accompagne des entreprises dans leur développement. Mais il veut plus. Beaucoup plus. « Je veux aller dans l’espace ! Je suis sur la liste d’attente de Virgin, et je vais postuler pour Blue Origin. Il faut savoir que déjà 150 personnes sont allées dans l’espace. On est au début de quelque chose, plus exactement au balbutiement de quelque chose. Dans les années qui viennent, l’espace sera vraiment proche. Cela me passionne. D’ailleurs, tout le monde le dit : quand on a vu la planète terre depuis l’espace, on a une conception du monde tout à fait différente. »

Pour information, ces touristes d’un genre nouveau pourront voyager comme les Dupont-Dupond, grâce à Virgin Galactic, pendant une heure et demie. La fusée frôlera les limites de l’espace. Quant à Blue Origin, ce procédé transporte ses clients au-dessus de la fameuse ligne de Karman, qui marque le début de l’espace selon la convention internationale – soit une altitude de 100 km pour un vol qui dure une dizaine de minutes. Quoi qu’il en soit : pour Damien Watine, l’espace est la nouvelle frontière, the next big thing vers laquelle on tend.

Portrait de Damien Watine - Unyc

Au moment de clore cet entretien, deux réflexions effleurent l’esprit. La première, c’est que Damien Watine est dans la projection. Pour lui-même, pour ses frères humains qui après lui vivront, mais aussi pour son entreprise qu’il considère comme la chair de sa chair. Le rapprochement opéré l’année dernière avec le groupe Adista va dans ce sens : s’adosser, se compléter, faire confiance, travailler en bonne entente et avec toute la complémentarité possible. Là encore, c’est une histoire de confiance.

La seconde réflexion qui domine est aussi liée à la trajectoire familiale, au propre comme au figuré. En effet, fait rarissime dans l’histoire de cette rubrique, il évoque volontiers la famille qu’il construit, comme si elle était partie prenante de sa réussite professionnelle. Et elle l’est, de toute évidence. Il parle volontiers de ses enfants et de son épouse, d’origine tourangelle et passée par Sciences Po – une combinaison idéale qui ne peut donner que de bons résultats. Celui qu’on n’attendait pas dans ce registre se livre ici à un exercice d’admiration. En fait, Damien Watine est insaisissable.

« Si les Français voyageaient plus, ils se rendraient compte de la chance qu’ils ont de vivre en France » 

Ses amis et collaborateurs, s’ils lisent ces lignes, le retrouveront pour partie dans ce portrait, peut-être. Ou partiellement. Ou pas du tout. Mais singulier et pluriel, il l’est assurément. Il est citoyen du monde et patriote. À preuve, cette assertion qui lui ressemble, et qui fait la synthèse entre la Sarthe, l’Arizona, son insatiable curiosité, son goût des autres et des paysages français, à commencer par le vert paradis des amours enfantines.

REPÈRES
Damien Watine a 46 ans. Il est marié et père de quatre enfants.
PARCOURS (SÉLECTION)
1994 Quitte la France en fin de seconde, et obtient son baccalauréat américain aux États-Unis.
1997 American Business School : Bachelor of Business Administration (marketing, ventes et finances), à Paris. Puis divers métiers, dont celui de barman à Londres.
2001 Rightvision : European Sales Channel Manager en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas.
2004 Fondateur au Mans (Sarthe), de Serveurcom. Il dirige depuis lors, sa société rebaptisée Unyc en 2019. L’objectif est de simplifier le choix des offres télécoms destinées aux professionnels.
Et depuis 2021… Unyc et Adista se rapprochent et créent le premier opérateur alternatif B2B en France.

 J’AIME…
MUSIQUE Le classique, en particulier Mozart. Mais aussi le jazz et la pop anglaise. J’ai joué du piano jusqu’à mes quatorze ans.
LITTERATURE « Aurélien », Aragon, et « En attendant Bojangles », Olivier Bourdeaut.
CINEMA Ceux qui m’ont marqué dans mon enfance, dans lesquels joue Louis de Funès. Et « L’Argent de poche », François Truffaut, « Le Grand Bleu », Luc Besson, et « Itinéraire d’un enfant gâté », Claude Lelouch.
LIEU Sablé-sur-Sarthe, la ville où j’ai vécu jusqu’à mes quatorze ans. Sinon, Paris, et les bords du lac d’Annecy.
GASTRONOMIE La fondue de poireaux et le bourgogne.
SPORT Le tennis : j’ai été capitaine de l’équipe de mon école en Arizona.