Alexis de Goriainoff - Sewan

Alexis de Goriainoff, Cofondateur et P.-D.G. de Sewan : la preuve par l’action

Calme, sérieux, réservé, Alexis de Goriainoff ne se livre pas au premier venu. Pourtant, son managérat témoigne d’une envie manifeste de progresser et de faire progresser. Rencontre avec un homme de volonté et de bonne volonté.

Nov 2022
Par Pierre-Antoine Merlin, photos Jim Wallace

C’est à une véritable galerie de portraits que vous convie ce magazine, mois après mois. Le point commun à toutes ces tranches d’humanité ? Aucun. Autre constat, qui vaut pour l’ensemble des intervenants : le respect accordé à la parole du portraitisé. Pas question de vérifier, au sein du personnel de la société, ou parmi les anciens employés, ou bien encore chez les concurrents, des opinions contradictoires et, pourquoi pas, fondées. Chaque manager interrogé par nos soins est libre de ses propos. À nous de les transcrire et les mettre en perspective avec honnêteté, et, si possible, avec plaisir.

Ainsi Alexis de Goriainoff, l’un des principaux dirigeants de Sewan, opérateur et hébergeur français de nouvelle génération, est un créateur d’un type inédit – pour l’auteur de ces lignes, s’entend. On n’arrive pas à le déchiffrer, ce qui est paradoxal pour un homme de chiffres. Mais la passion est là, et avec elle, les idées claires. À mesure que la conversation roule sur sa vie, on se penche avec curiosité sur son oeuvre, et sa façon bien à lui d’être au monde.

Progressivement, l’horizon s’éclaircit. Car le chemin d’Alexis de Goriainoff est cohérent, droit. « Droit comme une barre », disait Jean Gabin en parlant d’un de ses amis. Mais il y a plus. Sa trajectoire est optimiste. Car le patron de Sewan est un croyant impénitent dans les capacités humaines, comme dans celles de la science. Un bain de jouvence bien venu dans une époque taraudée par le doute et par l’angoisse qui sourd.

Tout commence à Paris au milieu des années 1970. Né d’un père ingénieur et d’une mère abandonnant sa vie professionnelle pour s’occuper des enfants, Alexis grandit avec ses trois frères. À l’âge de huit ans, premier changement majeur : la famille déménage à Montpellier. C’est là qu’il enchaîne ses études – plutôt brillantes, et surtout scientifiques. Il aime à la fois Montpellier et le Sud, mais reste attaché à Paris. On a l’impression que c’est la ville de son coeur. Mais pour l’instant, c’est bien dans la capitale du Languedoc que son destin prend forme. « Je suis bon élève ; j’ai ce qu’il est convenu d’appeler des facilités. À partir de la classe de quatrième, je me mets à travailler. Et le travail paye. C’est ce que je dis toujours à mes enfants. »

Alexis de Goriainoff - Sewan

PIONNIER DANS L’ÂME

De fait, la suite lui donne raison : lorsqu’on a la chance d’être raisonnablement doué, et que s’ajoute l’endurance au travail, le résultat est là. À 16 ans, avec deux ans d’avance, il obtient son bac scientifique avec mention. Une accélération décisive qui propulse rapidement Alexis de Goriainoff chez les happy few de la science et du business. Après les Mines de Paris (il effectue néanmoins sa scolarité à Sophia Antipolis), il commence à réfléchir sérieusement au choix d’une carrière. Ce qui l’intéresse par-dessus tout : l’univers des réseaux, de la 3D, en particulier par l’entremise des jeux vidéo. Et tout ce qui concerne, d’une façon générale, l’internet naissant.

Attiré par les promesses de la communication tous azimuts, par l’international, par l’ouverture, Alexis de Goriainoff invente une sorte de symbiose entre son goût pour la science et celui, tout aussi fort, pour le numérique et le business. « Entré chez ISDNet, je rencontre David Brette et Christophe Cresp. » Il ne le sait pas encore, mais cette circonstance va changer en profondeur le visage de sa trajectoire professionnelle. D’abord, parce qu’ISDNet est rachetée par le britannique Cable & Wireless, qui occupe une place significative sur le segment des réseaux et télécoms. Ensuite, parce que les trois personnes précitées forment un trio qui plonge dans l’aventure de la création d’entreprise.

Alexis de Goriainoff - Sewan

« Je souhaite continuer à travailler, à innover, à faire mon métier. Mais il faut aimer le changement pour cela. »

CONFIANCE, DÉLÉGATION ET RÉGULARITÉ

Après un passage chez Tiscali, là encore un pionner de l’internet, mais aussi chez B3G telecom et quelques autres expériences de maturation professionnelle, le grand tournant se situe donc au cours de l’année 2007 : celle de la création de Sewan, son oeuvre maîtresse. C’est d’ailleurs la seule date sur laquelle Alexis de Goriainoff insiste lorsqu’il s’agit de récapituler les étapes de son parcours. Et il y a de quoi.

Ce chemin est d’abord itinérant dans Paris. On y pérégrine dans plusieurs endroits, notamment dans les locaux d’une ancienne boulangerie. La société naissante et ses jeunes associés prennent leur temps avant de se fixer Cité Paradis, à Paris, au coeur du IXe arrondissement. C’est ici, dans ce passage à ciel ouvert, sorte de havre de calme dans un lieu agité, que le P.-D.G. exerce ses fonctions avec un leitmotiv : déléguer, encore déléguer, toujours déléguer. Chacun doit contribuer, à son niveau, à la bonne marche du groupe. « Je suis un manager bienveillant. L’idée est en effet de faire confiance aux gens, de garder la relation humaine intacte. » C’est vrai dans le cadre du télétravail, qui a fortement modifié les manières d’interagir. « Je trouve que les choses se passent bien, dans l’ensemble. Les collaborateurs sont partiellement en présentiel et en distanciel. C’est un bon équilibre. Le seul télétravail ne permettrait sans doute pas de conserver quelque chose d’essentiel, et qui est le travail d’équipe. À titre personnel, et pour diverses raisons, je viens tout le temps. »

D’autres engagements se dévoilent lors de la conversation. Car les grandes idées sur le management, c’est bien. L’application dans la durée, c’est mieux. Sewan a ainsi mis en place un système d’entretiens trimestriels conçu de telle manière que le fil de l’action ne se perde pas en route. « Chaque employé rencontre le manager qui le suit. Ce rendez-vous se matérialise lors d’un entretien préparé de part et d’autre, et dans un esprit de respect mutuel. Cette rencontre est bien sûr orale, mais débouche sur une formalisation écrite, sous forme d’objectifs à atteindre. » Cette régularité, plutôt rapprochée, des entretiens individuels, est plus pertinente qu’un entretien annuel, où les deux parties vivent la rencontre comme un pensum dont il ne doit absolument rien sortir. Surtout, ajoute Alexis de Goriainoff, « il est bon de savoir ce que chacun attend de l’autre. Il faut avoir la possibilité de parler à intervalles réguliers en one-to-one ».

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« Je suis un manager bienveillant. L’idée est de faire confiance aux gens, de garder la relation humaine intacte. »

Autre particularité du management : « Chez Sewan, on essaie de reproduire ce qui se fait dans la nature. Ainsi, on peut débaucher en interne ! Si une personne est jugée plus utile dans une fonction donnée, on peut la débaucher du service où elle se trouve. Évidemment, cela peut poser des problèmes à son manager… il faut donc en discuter pour rendre les choses fluides. Mais à l’arrivée, c’est possible. » On va d’étonnement en étonnement. Car dans bien des entreprises, sans parler des administrations publiques, rien ne se fait comme cela. « On ne fait pas son marché dans le jardin des autres », diront certains in petto.

Deux exemples supplémentaires du management griffé Sewan. D’une part, des questionnaires anonymes sont envoyés régulièrement. Pourquoi ? Parce qu’il est nécessaire que chacun se sente bien et s’exprime sans être dénoncé. Rien de pire que les patrons qui font semblant de demander aux gens leur avis, pour le plaisir d’avoir leurs noms. D’autre part, des soirées sont organisées, elles aussi à intervalles réguliers. Au moment où paraîtront ces lignes, l’une d’entre elles aura déjà eu lieu, sur le thème du… Bal des Vampires. Mais il y a encore plus significatif.

Alexis de Goriainoff - Sewan

ZAPORIJIA

Prononcer le nom de cette ville à voix haute ou seulement le lire, constitue déjà une émotion en soi. Alexis de Goriainoff s’est rendu dans cette ville peu avant la guerre. Avec précision, comme toujours, il décrit ce qu’était la filiale ukrainienne, forte d’une cinquantaine de personnes, avec sa compétence, sa motivation et son accueil très amical vis-à-vis de la délégation française. Depuis, les choses ont changé. Certains employés ont voulu rester sur place avec leur famille. D’autres ont préféré partir en Europe – on n’ose pas dire dans le reste de l’Europe. La France a pris sa part. L’entreprise s’est occupée du transport, de la logistique, du logement. Elle a également assuré – les Ukrainiens y tenaient beaucoup – que le salaire serait versé à tous de la même manière. Certes, une telle initiative va de soi.

« On est trop pessimistes en France. L’avenir de nos enfants sera meilleur que le nôtre. »

Et maintenant ? Alexis de Goriainoff demeure tout entier attelé à sa tâche, et pour longtemps. « Je souhaite continuer à travailler, à innover, à faire mon métier. Mais pour cela, il faut aimer le changement. » Ce dernier est bénéfique sans doute, mais quand il apparaît constitué de crises ? La Covid-19, le conflit à l’Est, les pénuries, le retour de l’inflation… Curieusement, le patron de Sewan fait litière de ces menaces, avec un ton de confiance face aux incertitudes et à l’inquiétude. « On est trop pessimistes en France. Je pense que l’avenir de nos enfants sera meilleur que le nôtre. » Formation, confiance, esprit pionnier, volonté d’aller de l’avant : muni d’un tel viatique, le discret Alexis de Goriainoff se sent paré pour être utile.

REPÈRES

Alexis de Goriainoff a 47 ans, et père de trois enfants.

PARCOURS (SÉLECTION)

1990 Bac C à 16 ans
1996 École des Mines, Paris
2001 Cable & Wireless, Manager Network Planning
2003 Tiscali, Project Director
2004 B3G Telecom, Director, Engineering & Special Projects
Depuis 2007 Cofondateur et P.-D.G. de Sewan, spécialiste du cloud, de la messagerie électronique, du travail collaboratif et de la téléphonie à destination des professionnels intervenant sur le marché français.

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