documents imprimés sur une imprimante personnelle

L’impression dopée par le télétravail

Alors que les ventes déclinaient depuis une quinzaine d’années, la demande est repartie à la hausse avec l’essor du travail à distance. Une manne doublée d’une aubaine.

Sep 2020
Par Thierry Bienfait
Questions à Grégoire Lebeau, Responsable impression professionnelle, HP France

« Nous avons travaillé pour nous adapter à la trésorerie des revendeurs et de leurs clients »

Quel a été l’impact de la Covid-19 sur l’industrie du print ?
Notre chiffre d’affaires a bondi pour les équipements d’impression personnels liés au télétravail. En revanche, l’activité print et consommables pour entreprise a ralenti. Les projets engagés auprès de grands comptes ont été simplement décalés. Par ailleurs, il nous a fallu nous recentrer sur les canaux de distribution qui se sont développés durant cette période – la grande distribution et Internet –, et être réactifs pour les alimenter.

Le SMB a-t-il souffert ?
Pour la clientèle des PME-PMI, l’équilibre économique a été chamboulé par la crise sanitaire. Tout l’enjeu, à moyen terme, est d’agir pour que le SMB adressé par nos partenaires reste pérenne. À cette fin, nous avons notamment travaillé sur les problématiques de financement, pour nous adapter à la trésorerie des revendeurs et de leurs clients.

Sur quelles activités porteuses l’industrie print mise-t-elle ?
Le télétravail va accélérer l’évolution de l’impression vers l’hypermobilité. Les entreprises ont pris conscience qu’elles doivent équiper leurs salariés afin qu’ils soient productifs aussi bien à domicile que dans les locaux de leur société, ou en situation de mobilité. Les revendeurs capables de fournir du service et de sécuriser simultanément le document, la donnée et la machine, seront ceux qui tireront leur épingle du jeu.

Contraintes de s’adapter au confinement causé par l’épidémie de coronavirus, certaines entreprises ont emprunté la voie vers la solution du travail à domicile de 8 millions de salariés du privé¹. Les circonstances ont ainsi profité grandement au marché des imprimantes. Même les particuliers se sont rués sur ces produits qui ont grimpé dans le top des ventes des magasins et des commerces en ligne. Parmi les articles plébiscités figurent en premier lieu les consommables, rapporte Libération, le 3 avril 2020 : « L’encre est devenu le nouvel or noir. […] Chez Auchan, le podium des meilleures ventes a été occupé durant quinze jours, par trois références de cartouches d’encre. » Frénésie comparable pour le papier, avec pas moins de 150 000 ramettes écoulées au cours de la même période dans les enseignes de ce distributeur. Soit un bond de 200 % par rapport au mois précédent le confinement. Par le travail à distance, les Français ont redécouvert l’intérêt de posséder une imprimante chez soi. Ainsi, Fnac Darty a écoulé 50 % d’imprimantes et de multifonctions de plus que lors d’une période normale. Mais pourquoi le travail à distance implique-t-il la matérialisation sur papier alors que les informations circulent par voie numérique ? Réponse : pour éviter la fatigue oculaire liée à l’usage des écrans tout au long de la journée, que l’impression constitue souvent un besoin impérieux qui se satisfait par l’acquisition d’une imprimante personnelle et de ses consommables. Ces outils sont devenus rapidement de première nécessité dans les foyers dont les membres qui patientaient selon la distanciation en vigueur, devant les magasins de bureautique, étaient plus nombreux que dans les files d’attente des boulangeries.

PANDÉMIE SALUTAIRE

La crise sanitaire aura été une bouffée d’air pour tout une high tech au bord de l’asphyxie dans le B2C. Certes, les fournisseurs n’ont pas encore détaillé leurs résultats mais les analystes estiment qu’ils ont profité de l’explosion du travail à distance. Malgré la récession annoncée, leurs « ventes pendant et après l’épidémie de coronavirus leur permettront d’échapper à une année noire, avance IDC. Tandis que les dépenses en matériel informatique font habituellement l’objet de coupes budgétaires durant les crises économiques, la crise sanitaire a imposé aux entreprises d’équiper les salariés qui travaillent chez eux ». Conséquence de la loi du marché et d’une réduction des stocks – la disponibilité de plusieurs références ont dégringolé de 42 % –, le secteur de l’impression a connu une spectaculaire envolée des prix durant la période du confinement. Selon les relevés de l’Observatoire de la consommation UFC-Que Choisir, le prix des jet-d’encre et laser grand public auraient ainsi progressé, en moyenne, de 13 %. En particulier sur les marketplaces, alors que « l’évolution moyenne des prix était plutôt stable à moins de 2 % d’augmentation depuis le début de l’année ». Certains modèles grand public auraient même connu une hausse de près de 40 %. « Une croissance d’un niveau jamais vu dans un laps de temps aussi court », souligne le rapport de l’UFC-Que Choisir, qui observe une évolution analogue des tarifs moyens des consommables. De fait, les constructeurs veulent croire que cette période faste annonce un renouveau, et que les imprimantes, que l’on disait dépassées par les terminaux mobiles et le cloud, seront toujours indispensables avec la poursuite annoncée du télétravail. Néanmoins, sur le long terme, les services continueront plus sûrement d’être le principal relais de croissance pour les fabricants et leurs revendeurs (lire Le Guide du MSP, « MPS et MSP à la croisée des chemins », p.54). En effet, depuis le milieu des années 2000, seules les multifonctions A4 et les imprimantes couleurs pouvaient encore se targuer d’accroître leurs ventes, avant que le mouvement structurel vers la dématérialisation n’entraîne à la baisse les ventes de cartouches et de toners, principale source de marge pour l’écosystème du print. Le salut pour les marques consiste à mieux se positionner face à leurs concurrents dans l’accompagnement, en proposant des solutions de services d’impression managés. À en croire les analystes de Gartner, « la dimension conseil et services est toujours très demandée par les entreprises, y compris au sein des petites et moyennes sociétés ». Les chiffres provisoires de ventes indiquent que le marché du MPS augmentera ses revenus de 8 % cette année. De quoi rester optimiste au cas où le recours au télétravail s’essoufflerait, en raison, par exemple, de la récession économique que nombre d’organisations craignent devoir affronter.

¹ Source : ministère du Travail.

imprimante retail

L’IMPRESSION À FOND LA CAISSE Les imprimantes terminaux points de vente seront indispensables aussi longtemps que les commerçants auront l’obligation de fournir des tickets de caisse. Même si la remise d’un bon électronique est possible, l’imprimante de caisse s’impose pour les reçus de carte bancaire, les bons d’échange et de cadeaux. L’enseigne Intermarché imprime ainsi annuellement 150 000 km de tickets de caisse, tandis que la Confédération nationale de la boulangerie pâtisserie estime à 5 milliards le nombre de tickets qu’elle édite par année. Pour faciliter la tâche, les imprimantes sont ultracompactes et connectées. Les modèles sont devenus de plus en plus sophistiqués. Leurs constructeurs ont en effet fait évoluer la technologie. Alors que les imprimantes thermiques ou matricielles restent les plus répandues, en raison de leur grande robustesse, les jet-d’encre présentent l’avantage d’être multifonctions (tickets, coupons, étiquettes, etc.) et silencieux. La vente de ces produits POS pèse environ 8 % du C.A. d’une marque comme Epson.