Une modestie naturelle au service de l’efficacité

« C’est un modeste », chantait Brassens, qui n’a pas connu Florian Collet. Mais ce jeune dirigeant ajoute deux cordes à son arc : la performance managériale et une capacité certaine au leadership.

Nov 2024
Par Pierre-Antoine Merlin, à Limonest (Rhône). Photos Aurélien Audy
Florian Collet, Directeur général France de Zyxel

« J’ai eu une enfance heureuse. Je n’ai manqué de rien. On m’a inculqué des valeurs, essentiellement celles du respect et du partage. »

Selon ses propres dires, Florian Collet est issu de la classe moyenne, avec des origines espagnoles plutôt portées sur l’entrepreneuriat. « J’ai gardé quelque chose de tout cela. » Quelque chose de fort, visiblement. Qui se résume dans cette assertion : l’envie de faire.

« Au lycée, je ne sentais pas très bien où je voulais aller. J’ai pensé tout de même à l’architecture. Puis, j’ai travaillé très jeune pour m’offrir des vacances sans devoir toujours compter sur mes parents et découvrir par moi-même ce qui me plaisait vraiment. »

D’expérience en expérience, le jeune Florian affine sa sensation. Un leitmotiv se précise, qui émaille son discours tout au long de cet entretien : faire et savoir ce qu’il lui plaît. La science, la technique et, de façon plus précise, le génie électrique l’intéressent. Le sport aussi. Beaucoup de choses, en fait, dans des secteurs extraordinairement diversifiés. Ainsi, il se lance dans une classe spécifique sport-études pour devenir footballeur professionnel. Quoi qu’il en soit, il amorce un cursus de génie électrique et informatique avant de bifurquer, en cours d’année, pour intégrer un DUT en techniques de commercialisation des systèmes, solutions et services industriels. Il obtient le diplôme en 2013. Curieusement, à peu près à la même époque, Florian Collet se lance dans une tout autre aventure : la lingerie féminine. Cependant, tout ne se passe pas comme prévu.

« À l’époque, je n’avais pas le bon mindset, c’est-à-dire le bon état d’esprit pour persévérer. Après quelques difficultés, au bout d’un an et demi de création, j’ai abandonné. »

Féru de technique mais aussi attiré par le business, il reprend ses études à Lille pour suivre une licence professionnelle marketing manager opérationnel en alternance chez Ingram Micro. Son destin est scellé : il devient dès lors spécialiste Zyxel au sein de ce grossiste nordiste. C’est ainsi que, par approches successives, il va s’imposer dans ce milieu. L’arrivée inopinée de la pandémie de Covid-19 va grandement l’y aider.

Je n’aime pas me mettre en avant, je n’aime pas non plus m’attribuer des mérites que je n’ai pas. »

L’heure des défis

Au début de la décennie 2020, la Covid prend en effet Florian Collet au dépourvu. Il réfléchit, prend une décision nette : il retournera dès que possible dans la capitale des Gaules, plus proche de sa famille mais aussi de ses amis. Tous sont indispensables à son équilibre, son placenta mental.

« C’est alors que j’entame une série de discussions avec Jean-Marc Guignier, qui préside à l’époque aux destinées de la filiale française de Zyxel. Il cherchait un remplaçant pour reprendre le poste. Nous sommes rapidement convenus d’un accord implicite : j’accomplirai un an en tant que responsable commercial de la région Nord-Est, de manière à découvrir l’entreprise et, bien sûr, le futur poste potentiel. Objectif, permettre à Zyxel de voir si je suis capable ou pas de reprendre la direction. »

Résultat : cette épreuve du feu s’est avérée concluante. Voici donc Florian Collet, qui n’a pas encore trente ans, propulsé presque en douceur à la tête de l’entité France d’une grande entreprise taïwanaise. Quel défi !

Je ne prends jamais de décision dans l’émotion ou la fatigue. J’ai besoin de me poser, de prendre le temps. »

Management participatif

Impossible de décrire par le menu les différentes gammes de produits et leurs modes de commercialisation. Il est parfaitement loisible en revanche de s’intéresser aux méthodes de management. D’essayer de percevoir comment une personnalité singulière, originale, introvertie diront peut-être certains, peut inventer un mode de gestion humaine efficace. Car, visiblement, l’empirisme fonctionne. Mais il ne vient pas tout seul : il est alimenté par une quête obstinée du développement personnel. Le travail, passionnant, toujours à recommencer, sur le façonnage de la pâte humaine, est l’un des goûts les plus vifs de Florian Collet.

« J’ai une conception que je crois moderne, et parfois incomprise, du management. Quelques exemples : faire place à l’imprévu, à la participation. Dans tous les cas, je n’aime pas me mettre en avant. Je n’aime pas non plus m’attribuer des mérites que je n’ai pas. »
De ce point de vue, le patron de Zyxel France est l’anti-LinkedIn. Pas de démonstration de testostérone sur la Toile, pas d’invention, d’exagération de sa vie. Pas assez ? À chacun de juger.

« Bien sûr, quand je suis avec les équipes, je suis leur patron. Mais les choses se font avec beaucoup de naturel. On parle de tout. »
En somme, chacun est à sa place, personne ne joue de rôle. Cela gagne du temps. Autre trait de caractère qui témoigne de son sens des responsabilités : le temps ne joue pas contre lui. C’est lui qui l’apprivoise, le domestique. La fébrilité ne fait pas partie de son vocabulaire. « Je ne prends jamais de décision dans l’émotion ou la fatigue. J’ai besoin de me poser, de prendre le temps, de faire autant que possible le bon diagnostic. D’associer suffisamment autour de moi pour avoir les bonnes informations. »
Cet état d’esprit nécessite-t-il d’avoir des réunions cadrées et organisées à intervalles réguliers ? Pas vraiment. « Je n’ai pas de cadre fixe dans ce domaine. D’une manière générale, je ne suis pas partisan des réunions collégiales. Je préfère les réunions par thèmes et les rencontres bilatérales, et faire les choses de façon naturelle. » Autre question, un peu plus délicate : est-ce difficile de travailler avec une grande entreprise asiatique, en l’occurrence taïwanaise ? Selon lui, la distance et la différence de culture ne font rien à l’affaire.

« Ce qui est important, et appréciable, c’est que ce groupe comprend le marché et la nécessité de s’adapter. Il y a une véritable capacité d’adaptation, une vraie capacité de changement. Ce n’est pas toujours le cas avec les sociétés d’origine asiatique, et cela peut poser des problèmes, comme au Japon. Le respect et l’humilité sont des vertus cardinales chez Zyxel. » Et de toute évidence chez Florian Collet qui se sent bien dans cet environnement.


Zyxel comprend le marché et la nécessité de s’adapter. Il y a une vraie capacité de changement. »

La délicate question du télétravail

En dépit de son jeune âge, le patron de Zyxel a déjà beaucoup pesé les avantages et les contraintes du télétravail. « Il se trouve que, lorsque j’étais chez Ingram, j’ai beaucoup réfléchi à cette question. À ce moment-là, j’étais un chaud partisan du télétravail, et même du télétravail intégral. J’avais remis à cet effet un mémoire à Sophie Deleval, présidente d’Ingram Micro France. J’ai beaucoup milité pour la reconnaissance du télétravail. Puis, la pandémie est arrivée, et j’ai nuancé mon propos. »

Selon Florian Collet, le recours systématique au télétravail absolu éloigne les gens les uns des autres. Plus moyen de sentir les choses, d’éprouver la trajectoire du groupe, de se poser pour prendre un café.
La dimension humaine est absente. L’ordinateur à distance ferme les possibles. Pour Florian Collet, il faut donc tomber d’accord sur un mode raisonnable de partage du temps de travail et s’y tenir autant qu’il est envisageable. Autrement dit, avoir le meilleur des deux mondes. Dans beaucoup d’entreprises, on en est loin.

Des projets à foison

Un chef d’entreprise qui aborde seulement la trentaine ne pense pas à la retraite. C’est impossible, et sans doute pas souhaitable. En revanche, il peut fourmiller de projets. D’abord celui de continuer.

« Je me sens bien dans cette entreprise. Mais je connais la façon dont je fonctionne. Le jour où je m’ennuie, je change. » C’est à ces remarques que l’on reconnaît la vocation du chef d’entreprise. Le cadre, même supérieur, aura tendance à évaluer les risques. L’entrepreneur dans l’âme, lui, sent que l’appel du défi est en lui. Non que ce soit un travailleur acharné et définitif : « Le plus tôt je pourrai prendre ma retraite, je la prendrai. Je suis d’une génération qui a envie de profiter de la vie. Car profiter, voyager… c’est un objectif de vie que j’ai. » Au moment de terminer cet entretien, certaines réflexions viennent à l’esprit. Discret et modeste, Florian Collet l’est assurément.

Ambitieux et exigeant pour l’ensemble de l’équipe dont il a la responsabilité, il l’est aussi. Mais il n’est pas dupe. Il sait que le temps file et que le meilleur de la vie n’est pas uniquement dans l’accomplissement professionnel. Lorsqu’elle était à la tête du Medef, Laurence Parisot voulait casser ce triptyque : les années de formation d’abord, la force de l’âge ensuite, le temps du repos enfin.
« La génération 90 », comme dit Florian Collet, veut réconcilier les différents temps de la vie pour les faire fonctionner en symbiose.
Cette approche globale se sent dans son approche du management. En ce sens, il est en phase avec les entreprises asiatiques, toutes axées sur le temps long et peu accessibles à la dictature du quarterly report.
Au fur et à mesure que l’on découvre Florian Collet, on met à jour une personnalité complexe, riche, qui se découvre moins qu’il ne donne à voir. Il recèle d’envies, de dons, d’énergie condensée, presque secrète, mais qui ne demande qu’à se déployer, y compris et surtout s’il s’agit du bien commun, et, dans cette circonstance précise, celui de son entreprise et des êtres qui la composent. Un vrai modeste. Dans la France de 2024, c’est plutôt rare.

Florian Collet a 31 ans. Il est marié et père d’un enfant.

1993 Naissance à Lyon (Rhône).
2011 Génie électrique et informatique à l’IUT Lyon 1.
2013 Obtient un DUT en techniques de commercialisation des systèmes, solutions et services industriels, à l’IUT Lyon 1.
2012 C&V Lingerie. Lancement d’une entreprise avec la création d’une eshop de lingerie féminine.
2014 Ingram Micro. Entre chez ce distributeur à valeur ajoutée pour y occuper divers postes, depuis Business Developer jusqu’à Business Manager.
2021 Zyxel Networks. Responsable commercial Nord-Est.
Depuis 2022 Accède à la direction générale du groupe pour la France.

Musique Pas de goûts musicaux particuliers, j’écoute ce qui me plaît.
Livres L’hiver, je lis surtout des ouvrages axés sur le développement personnel. L’été, c’est plus léger.
Cinéma Les films de James Bond. Le fait que l’action se déroule souvent à Londres y est pour beaucoup.
Lieux New York. J’ai été très impressionné par l’énergie que cette ville dégage.
Gastronomie Dans le verre, surtout le vin, en particulier le bourgogne. J’aime découvrir et apprendre. Dans l’assiette, la cuisine savoyarde.
Passions L’automobile et la moto. Et voyager, connaître des pays, des régions, des cultures différentes.
Sports et loisirs Les sports d’hiver, le ski et le snowboard, mais aussi le football.