Cisco Partner Summit 2023

Cisco sous le signe de la sécurité et de l’intelligence artificielle

Lors de son Sommet des partenaires, qui s’est déroulé à Miami Beach en novembre, le groupe Cisco a présenté son plan pour figurer au centre du jeu en matière de sécurité et d’intelligence artificielle, indispensables aux nouveaux usages de l’IT.

Jan 2024
Par Thierry Bienfait, à Miami Beach

Las Vegas ou Dubai ne sont pas les seules cités propices aux grands événements dans la high-tech. Durant quatre jours, c’est à Miami Beach que Cisco a accueilli ses partenaires pour sa grand-messe annuelle. Plus de 3 100 invités venus des cinq continents (dont une trentaine de patrons français) ont fait le déplacement jusqu’en Floride.

Cette année, le Cisco Partner Summit a mis l’accent sur les changements qui lui permettront de rester au premier plan. À cette fin, le fabricant de routeurs s’est déjà diversifié dans les logiciels et les services, dont les ventes représentent désormais la moitié de ses recettes. Il a, en particulier, récolté les fruits de la croissance des usages de son outil de vidéoconférence Webex, malgré la concurrence de Zoom ou de Teams.

Par ailleurs, Cisco entend simplifier le travail des informaticiens en entreprise en jouant à fond la carte des plates-formes logicielles. En effet, le géant américain des réseaux ne jure plus que sur ces nouveaux outils tels que Webex ou FSO (Full-Stack Observability) mais aussi sur des dashboards, tel Meraki, qui intègre les services Catalyst, Umbrella ou ThousandEyes.

« Nous avons mis en œuvre une offre de plates-formes technologiques extrêmement complètes pour permettre à tous nos clients de réussir leur transformation digitale, commente Jeff Sharrits, Executive Vice President, and Chief Customer and Partner Officer. Dans ce monde technologique devenu incroyablement complexe, le rôle de Cisco est de simplifier pour nos clients la construction de leur réseau, en apportant de l’automatisation intelligente, du machine learning, des données analysées… »

Chuck Robbins - Cisco

« En rachetant Splunk, Cisco tirera la moitié de ses revenus du software »

Chuck Robbins, Chairman and CEO de Cisco

Ergonomie et sécurité des réseaux

De fait, depuis 2020, l’équipementier a effectué sa transition du hardware vers le software, les services et les plates-formes. Un mouvement qui a impliqué une évolution profonde de la culture d’entreprise pour une société créée en 1984 et comptant quelque 70 000 salariés. « Nous menons la bataille de la simplification et de l’ergonomie avec des interfaces faciles à utiliser par les clients finaux ou par leurs prestataires de services informatiques, et qui répondent mieux à des problématiques business », ajoute Jeetu Patel, Executive Vice President and General Manager of Security and Collaboration.

Reste que tout cela ne servirait à rien sans assurer parallèlement la sécurité des réseaux. « Quand on veut protéger une entreprise, il faut commencer par configurer les réseaux de manière plus sûre », explique Jacques-Philippe Roederer, responsable partenaires chez Cisco France. Cela fait longtemps que Cisco sait agir en ce sens. Si son portefeuille de solutions de sécurité ne cesse de s’élargir, l’objectif du groupe est là aussi de se distinguer en rendant moins complexes cet environnement et toutes ses fonctionnalités pour bloquer les menaces. « Un utilisateur peut avoir à recourir jusqu’à soixante applications pour traiter des problèmes de cybersécurité. Les clients empilent les outils sécuritaires, ce qui ajoute de la complexité. Or, nous pensons chez Cisco qu’une approche avec une plate-forme extensible est la meilleure voie. »

L’équipementier a donc lancé une offre de suites logicielles incluant différentes applications de sécurité que le client peut activer en fonction de ses besoins. Parallèlement, dans l’optique de lutter contre des concurrents tels que Fortinet ou Palo Alto Networks, le groupe a élargi sa palette de produits de sécurité avec son pare-feu de nouvelle génération (NGFW). Enfin, Cisco a mis en place XDR, une plate-forme conçue pour qu’un SOC d’entreprise ou de MSSP puisse disposer d’une visibilité sur la vulnérabilité d’un réseau et procéder à de la détection d’incidents. « Il convient de rappeler que nous sommes le plus important acteur du monde dans le domaine de la cybersécurité. Si nous continuons à faire des acquisitions sur ce marché, c’est parce que nous avons besoin d’innover rapidement », explique Chuck Robbins, CEO de Cisco.

Le « plombier de l’Internet », comme est surnommé Cisco, continue de miser sur sa très active politique d’acquisitions, comme l’a illustré son récent rachat du spécialiste de l’analyse de données Splunk. Ainsi, Cisco muscle ses offres existantes, depuis la détection d’incidents jusqu’à la remédiation. « Cette opération contribuera à aider les organisations à améliorer leur résilience numérique et accélérera la stratégie de Cisco visant à tout connecter en toute sécurité », mentionne le communiqué de presse.

Par ailleurs, le rachat de cette entreprise pure SaaS correspond à l’évolution du modèle économique de Cisco vers le système de l’abonnement et des revenus récurrents. « Les capacités combinées des deux sociétés seront à l’origine de la prochaine génération de systèmes de sécurité et d’observabilité basés sur l’intelligence artificielle », estime Liz Centoni, Chief Strategy Officer chez Cisco.

« Nous aidons les partenaires à délivrer, en tout ou partie, leur propre offre de services à valeur ajoutée »

Jacques-Philippe Roederer, responsable partenaires chez Cisco France
Jacques-Philippe Roederer - Cisco

Tout entreprendre sur l’IA

Au-delà d’une course sur le segment de marché de la cybersécurité, l’objectif du groupe de San José, en mettant la main sur Splunk, est de récupérer ses solutions basées sur l’IA destinées à mieux analyser les données, comme sa gamme d’outils Splunk AI comprenant un assistant conversationnel branché sur la plate-forme. Cisco a depuis longtemps misé sur l’IA pour ses équipements collaboratifs, Webex par exemple, s’appliquant à l’intelligence audio ou vidéo.

Elle y voit « une énorme opportunité », encore plus depuis la vague ChatGPT. Pour le fabricant de routeurs, il convient d’accélérer et de tout entreprendre afin de gagner sa place au soleil dans le secteur de l’IA générative, avec des premières annonces autour du Webex AI Assistant, qui pourra notamment servir à résumer un enregistrement de réunion. En outre, l’ambition de l’équipementier est d’embarquer à terme l’IA générative dans tous les dashboards de ses produits, à commencer par les interfaces du système XDR.

Mais pour continuer à prospérer, Cisco ne devra pas tabler que sur les segments d’avenir et sur son évolution technologique permanente. Sa croissance et celle de ses partenaires dépendent également de la conjoncture économique, de son ralentissement actuel, et de l’augmentation du coût des crédits aux entreprises. « Nous aurons du mal à échapper complètement aux conséquences de l’inflation et de la montée des taux d’intérêt, a reconnu Chuck Robbins lors de la conférence de presse du Cisco Partner Summit. Néanmoins, la demande reste solide car les entreprises ne peuvent pas se permettre de cesser d’investir. Le carnet de commandes a d’ailleurs grossi au dernier trimestre. Mais un tel contexte signifie que les entreprises ont tendance à contrôler davantage les budgets. »

Une opportunité pour Cisco et son écosystème, selon Chuck Robbins. Pour rassurer ces clients « extrêmement prudents », le fournisseur californien garantit un retour sur investissement en faisant miroiter la valeur du lifecycle. En clair, la société accompagne le client dans la réalisation de ses objectifs opérationnels et dans l’adoption de nouvelles fonctionnalités. En faisant le pari de ce nouveau paradigme de vente, Cisco démontre une fois de plus que, même dans les périodes difficiles, l’immobilisme n’est pas de mise. Comme le rappelait l’ancien CEO John Chambers en son temps, « de nos jours, soit tu bouges, soit on te bouge ». Cisco demande à tous ses partenaires d’adopter sans attendre ce mantra.

Rodney Clark-Cisco

« Un commercial Cisco qui vend des services managés d’un partenaire est payé deux fois plus que s’il vend des services intégrés »

Rodney Clark, Senior Vice President of Partnerships and Small and Medium Business chez Cisco

Une refonte du programme d’incentives

Évolution vers les services managés et la génération de valeur, certifications Customer Experience…
Les responsables de Cisco reconnaissent que « ce que nous demandons à nos partenaires est énorme, afin qu’ils investissent à nos côtés pour s’adapter aux transformations du marché IT ». Le channel semble d’autant plus enclin à suivre l’équipementier que celui-ci propose des mesures d’accompagnement sur tous ces sujets de change management, notamment un support financier par incentives. « Notre budget incentives croît chaque année », rappelle Jacques-Philippe Roederer, responsable partenaires chez Cisco France.

Le programme de back-end rebates pour chaque offre Cisco est devenu complexe, avec le VIP (marges arrière sur la vente de produits), le Lifecycle Incentive (sur le postsale) et le Cisco Services Partner Program (sur les services). À terme, ces incentives seront regroupés pour s’appliquer de façon identique à toute l’offre Cisco et reversés aux partenaires. Les plus petits peuvent déjà bénéficier du relais des grossistes Also, Comstor, Ingram Micro et TD Synnex pour leur apporter un soutien.

Le channel centré sur les services managés

« Les directions générales des entreprises sont de plus en plus nombreuses à vouloir consommer la technologie numérique en mode Opex », affirme Cisco, qui continue de chercher à refaçonner le channel autour des services IT managés facturés sur un modèle locatif – un marché qui affiche des taux de croissance à deux chiffres, selon Cisco. Pour cela, il doit pouvoir compter sur des partenaires qui auront su se transformer en prestataires de services, des gros, tel Orange Business Services, ou des plus petits, comme Elit-Technologies.

Pour les partenaires, les services fournis pour la gestion des infrastructures constituent un levier pour faciliter le renouvellement de contrat ou les opérations d’up-selling. À cette fin, le groupe a développé un cadre contractuel spécifique, le Cisco Managed Service Enterprise Agreement. « D’ici à 2025, l’activité de services managés par nos partenaires sera équivalente à celle concernant l’intégration traditionnelle », prédit-on chez Cisco.