Télécoms, la touche bonus des services managés
L’avenir des télécoms passe par le cloud. Et la crise sanitaire accélère ce mouvement ou son adoption. Ajouter cette compétence à un modèle MSP passe par plusieurs entrées pour les partenaires, selon leur maturité et leur niveau d’investissements déjà engagés.
Juin 2021Par Benoit Huet
Peut-on qualifier les comms unifiées et la téléphonie dans le cloud de catalyseur pour les revendeurs MSP ? Oui, sans aucun doute, comme le sont toutes les solutions d’administration ou de gestion à distance (surveillance de parcs IT, pilotage des commutateurs WLAN, gestion des dispositifs de sécurité). C’est bien le mode de diffusion cloud qui doit être qualifié de facilitateur, peu importe le type de solution adressée. Cela dit, les communications dans le cloud prennent toute leur importance avec la crise sanitaire. Le télétravail a bien sûr fortement accéléré le mouvement vers une adoption de ces outils. Les progressions de Teams, de Zoom ou de Webex parlent d’elles-mêmes : de 10 millions de participants par jour à 380 millions en mars 2020, pendant le confinement pour Zoom ; de 150 millions à 600 millions pour Webex à la même période ; et de 13 millions d’utilisateurs en juillet 2019 à 75 millions en mars 2020, pour Teams. Ces fortes progressions ont également été constatées pour des acteurs plus modestes, à leur échelle, comme Wildix ou 3CX. Tout le monde en a profité, et cela pourrait durer. De leur côté, les revendeurs ont toutes les cartes en mains, les fournisseurs font d’ailleurs tout pour faciliter l’intégration des télécoms dans leur catalogue MSP.
« Deux modes de rémunération sont proposés aux revendeurs pour notre plate-forme disponible en marque blanche »
Bertrand Pourcelot, directeur général, Enreach for Service Providers
À CHACUN SON MODÈLE
Pour ce faire, ils proposent plusieurs niveaux d’entrée suivant leur maturité. « Certains de nos partenaires, de grande taille pour cette catégorie, sont devenus de vrais opérateurs. Ils se positionnent clairement comme des fournisseurs de services auprès de leurs clients avec tous les investissements ou les responsabilités qui en découlent [facturation, respect des réglementations, engagements sur la disponibilité des services et des liens, garantie du support de niveau 1, etc.] D’autres, beaucoup plus modestes, n’ont pas les moyens, les équipes ou les structures. Ils choisissent alors l’offre clés en main Rainbow Office powered by RingCentral, et agissent ainsi comme des apporteurs d’affaires pour vendre cette solution », explique Laurent Bizos directeur Stratégie cloud, chez Alcatel-Lucent Enterprise. L’apporteur d’affaires qui agit comme un relais commercial du fournisseur est sûrement le niveau le plus accessible pour les revendeurs, et présente des avantages. Déjà, il est rémunéré sur toute la durée du contrat. Cette récurrence apporte de la confiance et de la pérennité. Ensuite, le niveau d’investissement et d’engagement est très faible, car le revendeur n’a pas à prendre en charge les aspects techniques du service, ni la facturation. « Il échappe ainsi à toute contrainte réglementaire puisque c’est le fournisseur qui endosse ces responsabilités », précise Laurent Bizos, chez ALE. Sa valeur ajoutée se positionne d’abord sur l’applicatif en intégrant la solution aux applications métier de l’entreprise via les API. Le revendeur devient, dans ce cas, un fournisseur de services applicatifs. D’ailleurs, les éditeurs de solutions de comms unifiées proposent, via des places de marché, une multitude de connecteurs vers des applications tierces (ServiceNow, Google, AWS, Salesforce, etc.) ; on en compte 5 000 par exemple chez RingCentral, selon Erwan Salmon, directeur général France. Un autre point est la rapidité de conversion en business qu’apporte ce modèle. Le temps qui sépare le revendeur qui souhaite travailler avec un fournisseur de ses premières ventes sur le terrain, est de courte durée, contrairement au modèle de revente classique où il faut bâtir l’offre d’opérateur, combiner les applications, les packager, les marketer, etc.
LA MARQUE BLANCHE GARANTIT L’ENGAGEMENT FORT
Une autre entrée très plébiscitée par les MSP est la marque blanche. « La majorité des revendeurs veut garder le contrôle de leurs clients, et prendre en charge les applications ou les interfaces sous leur propre marque. Le revendeur peut être considéré comme l’éditeur de la solution, au même titre que le conseil apporté à son client, lequel fait partie intégrante de sa valeur ajoutée», reconnaît Bertrand Pourcelot, directeur général, Enreach for Service Providers. Il poursuit : « Notre mission consiste à apporter toute cette valeur à nos partenaires en leur donnant, par exemple, les moyens pour customiser leurs offres. » Deux modes de rémunération sont proposés en marque blanche par le groupe européen Enreach. Le premier concerne le mode plateforme traditionnelle (nommée Istra et héritée de Centile Telecom Applications) comme l’opère Adista, partenaire de l’éditeur, avec son offre CTX, ou Hub One et sa plate-forme Smart Call. Dans ce cas, le partenaire achète des licences à un prix déterminé par mois et par utilisateur, puis il est libre de fixer en sortie ses prix au client final. « Ces revendeurs nous paient un droit d’usage mensuel du logiciel installé chez eux, et qui inclut le support. Les contrats s’étalent de trois ans à cinq ans, et sont reconduits tacitement », résume Bertrand Pourcelot. Dans le second mode rémunération, il concerne l’offre SaaS proposée par Enreach (déjà disponible aux Pays-Bas et qui devrait sortir en septembre 2021 en France). Cette offre clés en main (jusqu’à la facturation et la minute comprises) est certes hébergée par Enreach, lequel assure aussi les mises à jour, mais les partenaires peuvent la personnaliser, fixer leur prix (en se basant sur la grille tarifaire de l’éditeur) et conserver ce lien de proximité avec leur client.
« Nous ne faisons aucune distinction entre les revendeurs »
Axelle Bourgeois, Regional Channel Manager France, Benelux, North & Eastern Europe and Russia, 3CX
UNE AUTRE FORMULE MAIS SANS MARQUE BLANCHE
En outre, certains acteurs comme Wildix et 3CX ne commercialisent pas leur offre en marque blanche, mais cette façon d’opérer ne modifie en rien leur engagement auprès de leurs partenaires, quel que soit leur profil. « Nous observons plusieurs catégories de MSP chez nos revendeurs. Et en fonction de leur capacité d’investissement, Wildix répondra par un programme d’engagement adapté », souligne Gilles Guiral, directeur général de Wildix France (lire l’encadré ci-dessous). « Nous ne faisons aucune distinction entre nos partenaires [revendeurs MSP, revendeurs IT, revendeurs télécoms]. Nous les gérons de la même manière, nous disposons d’un programme pour tous les business avec des formations dédiées en fonction de leurs besoins. Bien sûr, plus leur revenu réalisé avec 3CX est élevé, plus ils seront récompensés par des promotions, des remises, etc. », précise, de son côté, Axelle Bourgeois, responsable du channel en France de 3CX. Cet éditeur laisse également une grande liberté d’action à ses partenaires sur l’usage des licences. « La flexibilité est aussi notre marque de fabrique : la solution 3CX peut être déployée chez le client, virtualisée dans un cloud ou encore, depuis septembre 2020, hébergée et opérée par 3CX dans son propre cloud par notre partenaire Digital Ocean », indique Axelle Bourgeois. Commercialisé sous forme d’un contrat SaaS ou de type Centrex, ce dernier mode de diffusion adresse les entreprises jusqu’à 68 utilisateurs. Enfin, en tant qu’agnostique du hardware, 3CX propose un large choix d’équipements (casques d’appel et téléphones IP) par ses partenaires technologiques comme Yealink, Jabra ou Plantronics permettant ainsi d’augmenter sensiblement les marges des revendeurs.
ALCATEL-LUCENT ENTERPRISE PREND LA ROUTE DU CLOUD
Les communications dans le cloud ont déstabilisé les revendeurs historiquement présents dans le monde des télécoms, bien plus que les revendeurs IT jugés plus à l’aise avec le cloud, même si ces derniers ne connaissent pas aussi parfaitement les rouages des télécoms. « Dans ce monde-là, les deux notions intégrateurs et opérateurs étaient bien séparées avec des relations contractuelles distinctes vis-à-vis des clients. Dans le cloud, les nouveaux acteurs, surtout portés par les Américains sont arrivés avec un modèle tout compris [trafic ajouté à l’application]. C’est un changement radical pour ces nombreux installateurs opérateurs qui doivent se positionner », souligne Laurent Bizos, directeur stratégie cloud chez Alcatel-Lucent Enterprise. Pour encourager ce type de revendeurs à s’orienter vers le cloud, qui représente le marché d’avenir des communications en général, ALE investit du temps, de l’argent et des ressources humaines dans l’accompagnement. Par exemple, un plan d’accompagnement marketing met spécialement en avant l’offre cloud Rainbow Office powered by RingCentral (journées d’appels pour détecteur des leads, campagnes d’e-mailing, événements conjoints avec les grossistes, starters kits, webinaires, usages et présence des réseaux sociaux, etc.). C’est un point essentiel pour ALE qui dispose, par son poids significatif sur le marché hexagonal, environ 50 % du business potentiel, de nombreux installateurs de téléphonie dont un certain nombre n’ont sûrement pas encore pris le virage du cloud.
QUESTIONS À ERWAN SALMON, DIRECTEUR GÉNÉRAL RINGCENTRAL FRANCE
« Notre programme est vertueux sur les prix, sur la préservation des marges et sur les faibles investissements pour les partenaires »
Comment se passe la contractualisation chez RingCentral entre le partenaire et le client final ?
Le client final signe directement avec RingCentral, tandis que de notre côté, nous rémunérons notre partenaire selon un contrat de sales agent. Le partenaire touchera deux types de rémunérations. Le premier concerne un bonus à la signature fixé par rapport au nombre d’abonnements mensuels chez le client, et qui dépend de la durée d’engagement du client. Plus la période est longue, plus le bonus est significatif. Le second prévoit que le partenaire touche tous les mois une commission ou un pourcentage du C.A. réalisé avec le client final jusqu’à la fin de la durée de vie du contrat. Si à l’issue de l’engagement – trois ans par exemple – le client, satisfait, souhaite poursuivre avec nous, le partenaire continuera à toucher la même commission. La durée d’engagement du client chez RingCentral fait donc foi.
Y a-t-il des contraintes contractuelles spécifiques ?
Pour le client final, oui, parce qu’il s’engage sur la durée du contrat. Le partenaire, lui, sans engagement, touche ses rémunérations tous les mois. Il signe quand même un contrat avec RingCentral sans certification précise, sans obligation de volume. Dans ce contrat, sont stipulés les engagements vis-à-vis de la marque RingCentral, sur le respect de notre propriété intellectuelle, sur les restrictions dans l’usage du logo, etc. Au cours du cycle de vente, le partenaire peut aller toutefois plus loin en réalisant des démonstrations. Dans ce cas, nous lui demandons des certifications. Et plus il va loin dans le processus de certification, plus sa rémunération augmente. Le programme de certification reste malgré tout plus simple qu’un programme classique que nous avons l’habitude de rencontrer. Bien sûr, notre contrat suit le droit français.
Dans ce type de contrat, le partenaire n’est finalement pas libre dans son pricing ?
Pour éviter une guerre de tarification entre partenaires et la destruction de marges qui en résulterait, RingCentral fixe les prix au client final. Ce qui n’est pas le cas dans un modèle traditionnel de revente où le partenaire est libre de facturer le montant qu’il veut à son client final. En revanche, les partenaires sont libres d’évaluer le montant des services additionnels autour de notre offre comme les téléphones, les casques, sur tout ce qui n’est pas notre ressort. En contrôlant les prix, nous préservons leurs marges, c’est assez vertueux comme modèle.
QUESTIONS À GILLES GUIRAL, DIRECTEUR GÉNÉRAL, WILDIX FRANCE
« Wildix incite ses revendeurs à aller vers un modèle as a Service complet » Comment entre-t-on, en tant que revendeur MSP chez vous ?
Nous sommes attentifs au niveau de maturité du partenaire MSP et de sa capacité d’investissement. Nous pouvons le classer en deux catégories. Le premier qui représente un partenaires doté d’une volonté d’investir dans des infrastructures et des ressources dédiées, peut adhérer à notre programme d’engagement et d’on-boarding. Ce programme, d’une durée de quatre-vingt-dix jours, propose plusieurs heures de formation technique, commerciale et marketing. La seconde catégorie de revendeurs s’identifie plus à des agents qui ne souhaitent pas investir en qualification ni en compétences. Dans ce cas, nous les affilions à nos partenaires qui le souhaitent. Ces intermédiaires opèrent comme apporteurs d’affaires. Cela dit, notre but est, à terme – mais sans ingérence de notre part – de faire monter en compétences ces agents afin qu’ils intègrent in fine notre programme d’engagement.
Expliquez- nous votre modèle as a Service qui fonctionne autant pour le logiciel que le matériel ?
Wildix privilégie le mode as a Service pour le logiciel sous la forme de location de licences, mais aussi pour le matériel où le revendeur établit un contrat de service avec son client. Dans ce modèle, Wildix s’engage auprès de ses partenaires sur une garantie totale, par exemple, l’évolution du matériel, la maintenance opérationnelle, avec un engagement sur un temps prédéfini. Autre illustration : dans ce laps de temps, nous pouvons remplacer un téléphone IP par un nouveau modèle sans surcoût. Notre objectif est bien d’orienter nos revendeurs vers ce modèle as a Service et les y inviter. Seuls les revendeurs qui franchissent le pas pourront bénéficier d’avantages financiers (promotions, remises arrière, etc.).