Salariée au téléphone

Les opérateurs en prise avec les revendeurs IT

En garantissant des infrastructures solides, sécurisées et qui se veulent de plus en plus respectueuses de l’environnement, les opérateurs cherchent à élargir leur cercle de partenaires.

Oct 2023
Par Frédéric Bergonzoli

Les efforts des opérateurs ne faiblissent pas, ni pour consolider et verdir leurs data centers, ni pour augmenter leur couverture territoriale et fluidifier l’acheminement de la fibre jusqu’aux portes des entreprises.

Ils profitent d’un marché des communications unifiées qui reste l’un des plus dynamiques de l’IT, même s’il accuse un ralentissement après des années d’impressionnante croissance. L’essor du télétravail a poussé les organisations à adopter de nouvelles pratiques collaboratives intégrant la messagerie, la vidéoconférence, le partage d’écran et le chat.

La digital workplace est devenue le nouvel environnement de travail des employés. L’entreprise y fédère téléphonie et outils de collaboration dans des scénarios qu’elle choisit et sans se soucier du rôle des acteurs qui fournissent les technologies : comme pour tout ce qui relève de la numérisation des entreprises, l’interlocuteur est souvent unique, revendeur ou prestataire de services, qui se voit confier le soin d’installer une solution, de la maintenir et de la faire évoluer dans le temps.

Les UcaaS se prêtent à cette approche, le cloud unifiant l’ensemble des moyens de communication et de collaboration en un bouquet de services. S’y ajoute la nécessité de posséder un accès internet par l’intermédiaire de la fibre ou de la 5G. Orange, SFR, Bouygues et Free s’accaparent l’essentiel des parts du marché des télécommunications, mais près de 1 200 autres opérateurs répondent en France aux besoins de connectivité, de téléphonie fixe et mobile, et de services associés.

+ 45 % Hausse tendancielle de l’empreinte carbone du numérique en 2030

(Source : L’évaluation prospective de l’Ademe et l’Arcep sur l’impact environnemental du numérique en 2030 et 2050)

Un vaste réseau d’acteurs

Autant de professionnels qui modèlent le marché et cherchent à bâtir pour leurs offres le meilleur réseau de distribution possible. À l’heure où les plates-formes de communications unifiées s’ouvrent à toutes les applications de l’entreprise, en particulier les CRM et les ERP, les opérateurs privilégient les partenaires qui ont la capacité de déterminer les attentes des entreprises en termes d’intégration.

En plus de compétences techniques, des expertises d’analyse et de conseil voire d’audit sont recherchées chez les revendeurs. Les intégrateurs et les MSP tirent logiquement leur épingle du jeu, et se posent en guichet unique en raison de leur bonne connaissance de l’infrastructure et des systèmes existants de leurs clients. Ces experts du cloud et du service sont autonomes, facturent leurs clients en direct et bénéficient de revenus récurrents.

Pour relayer des offres plus simples et de plus en plus packagées, des acteurs comme les bureauticiens et les spécialistes des ERP sont sollicités. Quant aux grossistes, ils restent des maillons essentiels de la logistique pour fournir le matériel, qu’ils préparent, configurent et, de plus en plus, déploient.

À tous ces partenaires, les opérateurs garantissent un acheminement optimisé et sans couture des données. La fiabilité et la disponibilité des infrastructures sont d’autant plus importantes que le cloud collaboratif ne se résume pas aux UcaaS, mais s’enrichit des centres de contact en tant que service (CCaaS) et des plates-formes de communication en tant que service (CPaaS).

« Les acteurs des télécommunications ont été les premiers à être obligés d’évaluer leur impact environnemental »

Sofia Benqassem, ingénieure chargée d’affaires, APL Data Center

L’empreinte environnementale des activités du numérique

Ces déclinaisons s’imposent pour faciliter « l’APIsation » des communications, et ouvrir les interactions entre les applications d’entreprise et les services de messagerie, de voix et de visio.

Si les opérateurs télécoms n’ont aucun mal à démontrer l’efficacité opérationnelle et la sécurité de leurs data centers et de leurs réseaux, on leur demande cependant d’identifier et quantifier les impacts de leurs activités sur le dérèglement climatique. « D’après les résultats d’une étude menée par l’Ademe et l’Arcep, on constate que les terminaux sont responsables d’environ 76 % de l’impact carbone sur l’ensemble du cycle de vie, tandis que les data centers et les réseaux ne représentent respectivement que 16 % et 6 % de l’impact, des ratios qui peuvent varier selon les indicateurs environnementaux pris en compte.

Il est intéressant de noter que les acteurs des télécommunications ont été les premiers à être obligés d’évaluer et de communiquer leur impact environnemental. Les fournisseurs d’accès internet ont l’obligation, à partir du 1er janvier 2025, d’afficher l’impact environnemental des données consommées par leurs abonnés. Cela implique de considérer plusieurs indicateurs comme l’acidification ou les émissions de particules fines.

En ce qui concerne l’impact des réseaux, la même étude révèle que 56 % de l’impact pour les réseaux fixes sont dus à leur phase d’utilisation, tandis que pour les équipements mobiles, c’est la phase de fabrication qui a le plus grand impact sur l’environnement. On commence à disposer d’une empreinte environnementale des réseaux, qui ne se limite plus à l’empreinte carbone.

Les fournisseurs d’accès internet doivent inclure d’autres indicateurs pour communiquer sur l’impact des données consommées par leurs abonnés. L’élaboration de modèles plus fiables et la prévision des technologies à venir constituent des enjeux majeurs pour la transition écologique du numérique », soulignait Sofia Benqassem, ingénieure chargée d’affaires, APL Data Center, dans la récente table ronde « Impacts du développement de la fibre optique sur l’environnement : comment les identifier ? », organisée par le Credo.

Si le numérique est une opportunité de décarbonation, ses effets sur le climat ne doivent pas être négligés. Des outils tels que des calculateurs d’empreinte carbone sont mis à disposition, notamment par l’Ademe. Ils englobent les principaux segments de la chaîne de production (fabrication, utilisation, recyclage des déchets), des équipements concernés (réseaux, data centers, terminaux).

Le retrait des câbles en cuivre au profit de la fibre constitue un virage important vers une meilleure sobriété

Améliorer l’efficacité énergétique

Comme tous les acteurs de l’industrie de l’informatique, les opérateurs retenus dans ce dossier sont confrontés au même dilemme : mener une politique environnementale vertueuse tout en poursuivant la course aux parts de marché, qui se traduit par la hausse du nombre d’usagers des technologies
et des services, et donc de la consommation énergétique.

D’un côté, ces opérateurs ont la volonté de diminuer leurs émissions directes de CO2, entre autres grâce à l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, l’optimisation des flottes de véhicules et le recours aux énergies renouvelables. De l’autre, ils n’ont pas de prise sur la gestion des émissions indirectes de gaz à effet de serre, notamment celles provoquées par les déploiements de réseaux et l’augmentation des usages.

Sans parler du cœur de métier de l’opérateur qui repose sur une organisation particulièrement énergivore, avec des applications hébergées dans le cloud, accessibles via un maillage de plus en plus dense de réseaux de tout type et des data centers qui doivent encore améliorer leur efficacité énergétique.

La plupart des opérateurs adoptent toutefois des mesures positives. Par exemple, le choix d’une logistique plus respectueuse de l’environnement pour s’approvisionner en matériel puis l’acheminer vers les clients, ou encore la désactivation de certaines bandes de fréquence une partie de la nuit, lorsqu’elles sont le moins utilisées. L’organisation de la récupération des terminaux et des équipements en fin de vie, leur recyclage et leur reconditionnement sont d’autres mesures qui réduisent les impacts. Enfin, le retrait des câbles en cuivre au profit de la fibre constitue un virage important vers une meilleure sobriété : lorsqu’on compare l’empreinte énergétique de la fibre optique à celle du cuivre ou de la mobilité 4G ou 5G, on est dans un rapport qui peut aller de 1 à 10.

Ralentissement du déploiement FTTH mais augmentation des abonnements en fibre optique

L’Arcep a publié cet été les résultats de son suivi du marché des services fixes à haut et très haut débit.

Le ralentissement du rythme des déploiements FTTH, déjà observé au cours du premier trimestre 2023,
se confirme, en particulier dans les zones denses du territoire.

Le nombre d’abonnements en fibre optique, majoritaires en France depuis la fin du premier semestre 2022, continue de progresser. Au 30 juin 2023, parmi les 43,8 millions de locaux recensés à date par les opérateurs sur le territoire national, 36,2 millions sont raccordables : la couverture en fibre optique a progressé de près de deux points ce trimestre et atteint 83 %. 38,3 millions de locaux sont couverts par des services à très haut débit sur réseaux filaires, soit une croissance annuelle de 3,2 millions.

Au deuxième trimestre 2023, 870 000 locaux ont été rendus raccordables au FTTH, soit 20 % de moins que sur la même période de l’année précédente. Dans les zones moins denses, 600 000 locaux ont été rendus raccordables par les réseaux d’initiative publique.

Mais la chute du déploiement dans les zones moins denses d’initiative privée constatée au cours des trimestres précédents se confirme avec 130 000 locaux rendus raccordables, soit une baisse de près de moitié par rapport à la même période de l’an passé. Il faut remonter à 2014 pour observer une progression trimestrielle aussi faible dans ces zones. Les déploiements dans les territoires concernés par des Amel (appels à manifestation d’engagements locaux) ont, eux, progressé de plus de 90 000 locaux rendus raccordables.

Enfin, avec moins de 50 000 locaux rendus raccordables, soit une baisse de près de moitié par rapport à la même période de l’an dernier, le déploiement dans les zones très denses demeure très insuffisant, estime l’Arcep.