Computex 2024 : La grand-messe asiatique de la tech du futur

Le salon taïwanais Computex, qui s’est tenu du 4 au 7 juin, a fait la part belle à l’intelligence artificielle, à la mobilité, à la réalité immersive, à l’IoT et à la sustainable tech. Il a accueilli quelque 1 500 exposants et 50 000 visiteurs.

Juil 2024
Par Thierry Bienfait, à Taipei (Taïwan)

Taipei, la capitale de Taïwan, n’aura pas failli à sa réputation de cité propice aux affaires dans le secteur des nouvelles technologies B to B et B to C. Durant une semaine, la métropole de trois millions d’habitants a accueilli, dans une chaleur humide étouffante, une multitude d’acteurs de la high-tech internationale, originaires de l’île pour la plupart, tels Acer, Asus, BenQ, Cooler Master, Delta Electronics, Gigabyte, Innodisk, Micro-Star International (MSI), Realtek, Thermaltake, Transcend, Wiwynn ou Zotac, mais aussi en provenance du Japon, des États-Unis ou de la Corée du Sud. Même la Chine était représentée, les tensions géopolitiques n’étant pas abordées dans ce salon.

Computex est un salon incontournable pour qui souhaite connaître l’état de l’art des nouvelles technologies. Les innovations hardware n’ont pas manqué cette année, en particulier celles liées à l’IA.

Au total, 1 500 exposants (répartis sur quelque 4 500 stands) ont participé à cette grand-messe qui opère dans la région depuis quarante-trois ans. Ce concurrent du CES de Las Vegas, du Gitex de Dubai et de l’IFA de Berlin joue dans la cour des grands, même s’il apparaît un peu moins médiatisé que ces derniers. Sur une surface de 232 000 m2, l’événement a accueilli au Taipei Nangang Exhibition Center plus de 50 000 visiteurs venus de 150 pays, selon les organisateurs. Une surenchère qui ne s’arrête pas là. Le salon lorgne également sur le business des start-up en leur dédiant le hall InnoVEX Startup Zone, afin de favoriser les contacts avec les professionnels de l’IT, les distributeurs, les réseaux d’investisseurs et autres grands groupes qui ne veulent pas passer à côté des innovations du moment.

« Nous connaissons des hauts et des bas économiques. Mais, à long terme, l’industrie de la tech, qui constitue une source de progrès pour rendre la vie des êtres humains plus facile, a un brillant avenir devant elle. Elle cherche à recruter les meilleurs », a souligné, lors de la cérémonie d’ouverture, James Huang, président du Taiwan External Trade Development Council (Taitra) qui chapeaute l’événement en partenariat avec la Taipei Computer Association. Ce grand rendez-vous annuel des fabricants de composants informatiques s’est transformé ces dernières années. La manifestation a développé ce que le Taitra appelle des « places de marché », autrement dit une concentration de salons orientés B to B. « Tous les stands des halls consacrés aux composants, aux semi-conducteurs et aux systèmes embarqués ont été vendus en un temps record », se sont réjouis les organisateurs.

Les nouvelles capacités de l’IA

Désormais, le salon met l’accent sur les sujets de networking, de la healthcare, du digital signage, de la mobilité, de la réalité immersive et de l’IoT. Sans surprise, l’édition 2024 de Computex a mis un point d’orgue sur l’AI computing. Un thème évoqué dès les discours d’ouverture par les patrons de Nvidia, d’Intel, d’AMD et de Qualcomm en personne. Bien évidemment, les constructeurs de PC ont présenté de nouveaux modèles basés sur l’intelligence artificielle (IA). Produits qui intègrent non seulement des puces qui prennnent en charge des applications d’IA, mais qui incluent des touches dédiées à des chatbots, voire des fonctions d’IA spécifiques, par exemple pour la transcription de l’écriture manuscrite. « En choisissant d’embarquer des CPU Core Ultra d’Intel accompagnés d’un NPU, notre objectif est d’offrir aux utilisateurs des machines capables d’exécuter des programmes d’IA en interne, explique un porte-parole de MSI. À cette fin, nous avons notamment développé un certain nombre d’applications dédiées, telles que AI Artist, qui permet de générer des images à partir de commandes textuelles. En outre, avec ce type d’outils, la confidentialité est assurée, aucune donnée n’a besoin d’être transférée sur des serveurs externes à la machine de l’utilisateur. »

Résultat concomitant de cette explosion de l’IA, les ventes mondiales d’ordinateurs et d’outils d’IA générative devraient enregistrer une augmentation avoisinant les 4 % fin 2024, pour totaliser 685 milliards de dollars, prévoient les analystes du cabinet Gartner. Bien sûr, l’IA ne se limite pas aux PC. Le monde est dorénavant entré dans l’ère des objets connectés, qui gagnent en intelligence. Les idées fusent également dans le domaine de la réalité augmentée, avec des casques qui vont de plus en plus loin en affichant des informations devant les yeux du porteur. Meta annonce déjà des successeurs à son Quest Pro, pourvus d’un écran capable de lire des messages, de scanner des QR codes ou de traduire du texte, et qui s’accompagneront d’un bracelet « à interface neuronale » destiné à le contrôler via des mouvements de la main.

La firme de Mark Zuckerberg s’enthousiasme encore en présentant son projet de lunettes AR Orion (qui devraient être commercialisées d’ici à trois ans) : « Nous avons des plans ambitieux sur ce créneau. Cette avancée technologique d’avenir va remplacer les smartphones. Si nos prédictions se confirment, ce sera un business énorme, comme nous n’en avons jamais vu auparavant dans ce marché. »

Vers une informatique durable

Enfin, le Computex a mis le focus sur les innovations liées au climat. Bien que l’herbe ne soit pas plus verte à Taïwan où l’air est l’un des plus pollués d’Asie de l’Est (après la Chine et la Mongolie), le salon a opéré une mue vers l’environnement avec la sustainable tech. L’objectif est de donner un coup de projecteur aux sociétés qui œuvrent pour le développement durable, notamment les constructeurs informatiques ou les entreprises de la ville intelligente et des mobilités.

« Ce n’est pas un secret : dans cette partie du monde, nous n’étions pas des adopteurs précoces en la matière. Mais le temps est venu d’agir sur ce sujet, dans un mouvement qui prend de l’ampleur en Amérique du Nord et en Europe », a déclaré James Huang. Nombreuses ont été les solutions novatrices mises à l’honneur : des batteries à rechargement ultrarapide, des systèmes de refroidissement par immersion, des systèmes de chargement sans fil, de nouvelles formes de panneaux photovoltaïques, des moyens de production d’énergie basés sur le mouvement ou le son… Vitrine inspirante du progrès technologique, le salon Computex veut être l’occasion de repenser notre lien à l’innovation afin de contribuer à la résolution des grands défis de notre époque.

Des opportunités pour les Français

Au Computex, dans l’espace InnoVEX, les start-up sont au rendez-vous. Parmi elles, la French Tech n’était pas en reste, présente dans un pavillon France qui a réuni neuf jeunes pousses proposant des technologies innovantes dans des domaines aussi variés que la gestion de l’énergie et l’efficacité énergétique, la cybersécurité ou les interfaces logicielles. « En période de crise des financements, il est préférable de compter ses sous. Pourtant, même si le déplacement nous a coûté cher, nous nous devions d’être présents. Ce salon est une porte ouverte sur l’Asie. En outre, les Taïwanais sont technophiles et intéressés par les “deeptech” », remarque un porte-parole de Lumiscaphe, une start-up française spécialisée dans le développement et l’intégration de logiciels 3D.
« InnoVEX est une plate-forme de réseautage internationale de premier plan pour les start-up technologiques. Elle leur sert de plaque tournante pour des financements et des ressources.
C’est le meilleur point de départ pour pénétrer le marché asiatique »,
indique James Huang, coorganisateur du salon.