Green datacenter

L’écoresponsabilité gagne les centres de données

Présentée au départ comme un appendice de la vie en entreprise, la RSE progresse. Une sorte de course est engagée afin que le gaspillage cède enfin la place à une croissance raisonnée et pérenne.

Déc 2022
Par Pierre-Antoine Merlin

Tout le monde a les yeux rivés sur les centres de données. Il faut dire que cet équipement complexe est emblématique : longtemps considéré, à tort, comme l’équivalent moderne du château d’eau, donc terne et irrémédiablement ennuyeux, voilà qu’il devient, sur le tard, une espèce de laboratoire in vivo. On lui demande d’être beau, humain, technique, performant, doté de produits et services recyclables et sobres. Un vrai pianocktail à la Boris Vian !

Pourtant, ce vaste programme n’a plus rien d’irréaliste. Mieux encore, il est très encourageant. Les initiatives se multiplient sur le terrain, au point qu’il est impossible, dans le cadre de cette rubrique, de mentionner tous les fournisseurs se lançant peu ou prou dans une démarche RSE. Qu’à cela ne tienne : de Vertiv à Huawei, en passant par Eaton et Digital Realty, pour ne citer que ces quelques exemples, il est loisible d’observer les premières réalisations, plutôt réussies. Cette fois, c’est sûr, les principaux acteurs du domaine se mettent à l’écoresponsabilité.

Il était temps. Selon Leslie Robinet, directrice conseil du cabinet Mega International, les enjeux sont cruciaux. « Les data centers et les réseaux de transmission de données sont responsables de près de 1 % des émissions de gaz à effet de serre liées directement à l’énergie. Et ce ne sont pas les seuls impacts. En tenant compte de l’analyse du cycle de vie de tous les matériels et équipements, la consommation d’eau, ou encore l’extraction et l’utilisation de terres rares sont colossales. » Il faut donc optimiser les efforts.

Leslie Robinet - Mega International

« L’analyse du cycle de vie des équipements montre que la consommation d’eau, l’extraction et l’usage des terres rares sont colossaux. »

Leslie Robinet, directrice conseil, Mega International

Refroidissement et cascade d’effets

Selon Andrea Moscheni, Thermal Management Product Application Manager chez Vertiv, « les systèmes de refroidissement à eau glacée sont un moyen durable, pour les fournisseurs de data centers, de soutenir leur croissance de manière rentable, avec un minimum de perturbations. Voilà aussi un moyen de réduire l’empreinte carbone et de contribuer à atteindre les objectifs de durabilité ».

Toujours d’après ce spécialiste, l’optimisation des commandes des systèmes à eau glacée rend possible l’amélioration de l’efficacité globale du bâtiment. à terme, ces procédés sont de nature à modifier durablement l’écosystème. à l’arrivée, c’est toute la chaîne de valeur qui bénéficiera d’un meilleur respect de l’environnement. Une réaction en chaîne peut aussi jouer sur la productivité des facteurs, travail et capital confondus. « Les techniques de refroidissement ont souvent été le héros méconnu des data centers et de l’infrastructure numérique », affirme Andrea Moscheni (photo).

« Le secteur de l’IT, des réseaux et des télécoms dans son ensemble a compris que l’efficacité énergétique et l’optimisation de la consommation d’eau étaient la clé de la réussite et de sa survie à l’avenir », renchérit Giordano Albertazzi, directeur des opérations de Vertiv et President Americas. Tout en soulignant, et c’est un point insuffisamment pris en compte, que « le renforcement de la réglementation est inévitable et conduira à des innovations significatives dans notre secteur ».

Chez Eaton, on met l’accent sur les opportunités offertes par la RSE aux acteurs de la vente indirecte. Ainsi Ciaran Forde, Business Segment Manager, Data Center & ICT, estime que « dans le domaine du data center, on sous-estime souvent le rôle des partenaires dès la phase de conception des bâtiments, donc très en amont. Or, les revendeurs sont susceptibles d’intervenir à toutes les phases de la mise au point des installations, depuis le projet jusqu’à sa mise en œuvre ».

Andrea Moscheni - Vertiv

« Les techniques de refroidissement ont souvent été le héros méconnu des data centers et de l’infra »

Andrea Moscheni, Thermal Management
Product Application Manager, Vertiv

Le bilan carbone, enjeu majeur pour des résultats contrastés

L’une des métriques les plus couramment utilisées, et sans doute la plus pertinente, est celle du bilan carbone. Fabrice Coquio, directeur général de Digital Realty pour la France, affirme que son entité constitue le premier acteur vraiment écoresponsable en France. En effet, elle atteindra la neutralité carbone d’ici à fin 2022, soit bien avant l’échéance des objectifs européens de neutralité carbone fixée à 2030. Et même trente ans avant celle établie par les accords de Paris.

Mais là aussi, sans méconnaître l’importance de ces éléments, les avis continuent de diverger sur la situation réelle du numérique français. Car l’industrie émet moins de gaz à effet de serre que l’agriculture, le transport, et même… que les logements et bureaux. Même si la disparition des usines, ou leur déplacement en Europe de l’Est et en Asie, expliquent en partie pourquoi le bilan carbone du secteur manufacturier est convenable. Et quand les chiffres donnent lieu à des interprétations contradictoires, les décisions sont délicates.

Reste un invariant : les observations qui précèdent indiquent que la RSE envahit tous les domaines d’activité, depuis les techniques les plus avancées jusqu’aux conséquences dans la vie quotidienne. Au milieu de ces tentatives scientifiques, économique et sociales pour essayer d’atteindre une harmonie en équilibre toujours instable, le data center devient ainsi une sorte de laboratoire. C’est à la fois l’archétype et le symbole d’un monde en perpétuel mouvement. On parle toujours de l’incarnation en politique. Il faut maintenant regarder le centre de données comme l’incarnation de l’écoresponsabilité.

Refroidissement datacenter

Questions à Philip Xu – Storage Marketing Manager, Huawei

« Davantage de haute densité dans un espace physique plus réduit »

Comment mieux prendre en compte la RSE dans les data centers ?

Plusieurs éléments contribuent à respecter cette exigence aux facettes  humaine, économique et environnementale. Par exemple, nous nous efforçons, chez Huawei, de faire baisser le coût total de la construction des bâtiments. Autre exemple : dans la conception même des installations, nous recherchons systématiquement la haute densité, de manière à obtenir davantage de puissance numérique dans un espace physique plus réduit. Dans cette perspective, l’objectif est également d’utiliser des matériaux plus économes.

Quels sont vos projets pour les mois à venir ?

L’objectif de Huawei est d’aller vraiment vers la convergence, et de parvenir à stocker les données d’une façon totalement unifiée. Cela fait partie de nos avantages concurrentiels. Dans le même temps, nous ambitionnons de nous renforcer en Europe, notamment sur quatre marchés qui sont stratégiques pour nous : la France, bien sûr, mais aussi l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.