Marc Fernandez - Mobilis

Générateur de bonne humeur – Marc Fernandez, directeur général de Mobilis

Modeste et ambitieux à la fois, Marc Fernandez affiche un enthousiasme communicatif qui lui est une aide précieuse pour convaincre employés, partenaires et clients, et promouvoir le numérique, surtout lorsqu’il est fabriqué en France.

Déc 2023
Par Pierre-Antoine Merlin, à Chavanod (Haute-Savoie). Photos Gilles Piel (Andia.fr)

L’exercice du portrait prémunit contre la routine. À chaque rencontre, une nouvelle aventure commence. D’emblée le voyageur fraîchement débarqué de son TGV matinal est prestement conduit dans un grand bâtiment propre, sobre, élégant.

C’est là, idéalement situé à deux pas d’Annecy (Haute-Savoie), que siège Mobilis, bureaux et usine. Le spécialiste des coques de protection pour tablettes et terminaux mobiles, mais aussi des sacs d’ordinateurs et autres accessoires de portabilité, travaille dans la discrétion et l’efficacité.

Une chose frappe le visiteur : l’entreprise savoyarde est une ruche silencieuse. L’activité s’y affranchit de la fébrilité. Une qualité rare, remarquable et remarquée, alors que, dans les grandes métropoles, la foule et le bruit règnent en maître.

« J’avais le sens du contact, celui de la négociation, et aussi une forme d’instinct, ce qui m’a été utile pour prendre des décisions »

La liberté en éducation

L’une des incarnations de cette performance visuelle et auditive est Marc Fernandez. On s’attendait à un début de vie urbain, traditionnel, dans un milieu familial majoritairement salarié. Pas du tout ! Pour la première fois dans l’histoire de cette rubrique, le placenta mental du portraitisé du mois se situe dans un environnement tourné vers la liberté et la collectivité. « J’ai grandi à la montagne, dans un village situé tout au nord du département, à proximité immédiate du lac Léman. Je profitais d’une liberté totale. Je peux même dire que j’ai grandi dans le restaurant familial, depuis ma naissance jusqu’à mes douze ans. »

Marc Fernandez - Mobilis

Le ton est donné : on est devant un phénomène. L’enfance de Marc Fernandez n’est clairement pas celle de tout le monde. Pourtant, c’est une enfance française. « Entre l’heure du déjeuner et celle du dîner, qui constituaient les deux rendez-vous impératifs de la journée, c’était la liberté. C’est pour cela que, aujourd’hui encore, j’ai du mal avec les contraintes. Être libre est quelque chose de viscéral, comme ancré en moi. » Et Marc Fernandez de rappeler une vérité qui forge un caractère : dans la restauration, les choses sont extrêmement concrètes.

Un exemple parmi d’autres, on travaille quand les autres se détendent ou se reposent. Et vice versa. Le décalage temporel avec la plupart des autres occupations professionnelles est par nature total, c’est la loi du genre. « On vit à l’envers de tout le monde. Ainsi, les enfants et les adolescents qui vivent dans un milieu aussi prenant que la restauration veulent soit y rester, soit en partir. Il n’y a pas de milieu. »

De fait, Marc Fernandez a rapidement changé de voie. Définitivement ? Un silence, puis : « Il n’est pas exclu qu’un jour je retourne dans cet univers. » Chez un être aussi multiple que le directeur général de Mobilis, tout peut arriver. Il n’aura pas trop d’une vie pour tout réaliser et se réaliser.

De la restauration au numérique, la constante du made in France

Au moment de décrire sa trajectoire de vie, Marc Fernandez fait le point. Il répond avec une franchise étonnante. Visiblement, il n’a pas subi le lavage de cerveau du mediacoaching et du mediatraining. « D’abord, j’ai eu une scolarité que l’on qualifiera de cahotique. Je me suis fait virer plusieurs fois. Mais j’ai senti assez rapidement que j’étais attiré par la vente. »

La bosse du commerce, celle des maths, sont des vecteurs inouïs. Encore faut-il les déceler en soi et les appliquer sans trembler. « J’avais déjà, c’est vrai, le sens du contact, celui de la négociation, et aussi une forme d’instinct. Toutes ces caractéristiques m’ont été bien utiles pour prendre des décisions, notamment dans le domaine professionnel. »

Avec pour viatique un CAP vente, Marc Fernandez est au rendez-vous de la vie. Son élan vital est prometteur. Reste une formalité avant se lancer dans le grand bain : le cap de l’armée. Marc Fernandez fait partie du dernier contingent d’appelés. Nous sommes en 1997, après la décision de Jacques Chirac, alors président de la République, de passer définitivement à l’armée de métier. « J’étais en poste à Draguignan [Var], à l’École d’application de l’artillerie. C’était déjà la fin de cette tradition du service militaire, on sentait que les choses étaient déjà plus souples. »

Après un passage chez Mobalpa, dans le groupe Fournier, il entre chez Mobilis. Il ne le sait pas encore, mais ce sera l’entreprise de sa vie. Depuis vingt ans qu’il y travaille, sa conception de la vie, du travail, du rapport aux autres, est comblée. Il trouve un débouché quotidien à ses aspirations.
La vision du long terme fonctionne en symbiose avec les gestes les plus prosaïques.

Marc Fernandez voit toujours le côté pratique, quotidien, mais sans se couper de la vision
à long terme. Plus facile à dire qu’à faire, penseront certains. Pas pour lui. « Construire, faire grandir, transmettre » : voilà le triptyque concret auquel il se réfère, à plusieurs reprises, lors de cet entretien. C’est que Marc Fernandez développe un sens aigu de la responsabilité. Certes, il n’est pas d’usage, dans l’exercice contraint du portrait, de déborder sur les questions sociales, et encore moins politiques. Mais une fois n’est pas coutume… En effet, pour le directeur général de Mobilis, la relocalisation de la production fait partie de ce que le général de Gaulle nommait « une ardente obligation ». En d’autres termes, le patriotisme industriel, la dimension sociale du groupe et la conscience civique de ses dirigeants sont traités comme une extension naturelle du management.

« Ici, à Annecy, nous sommes tout près de Genève, explique Marc Fernandez. Il nous aurait donc été facile d’y installer le siège de l’entreprise. Nous ne l’avons pas fait. C’est un business qui a été créé en France, cela nous engage. On a la chance d’être en France ! Ce n’est pas ce que disent les Français, je le sais bien, mais ils ont tort. Nos compatriotes ne voyagent pas assez, ou alors dans des conditions qui ne leur permettent pas de voir les choses telles qu’elles sont. Nous, on va rendre ce que la France nous a donné. Par exemple, en cinq ans, on a pratiquement doublé la part de notre chiffre d’affaires réalisée en France. Environ 60 % de cette valeur sont désormais produits sur le territoire national ! Et cela va continuer. Nous fabriquons en France pour favoriser l’emploi. On croit aux vertus de la French Fab, qui est à l’industrie ce que la French Tech est au numérique en général. De plus, une telle performance a un effet positif sur la réduction de la charge carbone. »

« Ici, nous sommes près de Genève. Il nous aurait été facile d’y installer le siège de l’entreprise. C’est un business créé en France, cela nous engage »

Marc Fernandez - Mobilis

Et maintenant ?

L’avantage de Mobilis, et de la position de Marc Fernandez dans cet environnement dynamique, c’est la multiplicité des fonctions. Il aura occupé de nombreux postes dans une multitude d’endroits – tout en restant au sein du même groupe. « J’ai tout à fait la possibilité de me projeter. Mais tout dépendra de la relève. Plus précisément, tout va dépendre de notre succès dans la transmission de l’ADN de Mobilis. Et des personnes qui reprendront le flambeau. » À ce moment de l’interview, le directeur général se fait plus sérieux, son débit vocal ralentit et il martèle ses mots. On sent que, pour lui, Mobilis n’est pas seulement un travail, c’est une extension de lui-même.

Une constante se fait jour : l’audace. Marc Fernandez n’est pas de ceux qui pensent que les prédécesseurs étaient des incapables, et les successeurs des imposteurs. « Une fois de plus, je fais confiance à mon instinct. Je ne veux pas seulement des gens qui sont comme nous. Je veux trouver des gens qui sont mieux ! » Il cite l’exemple de deux personnes recrutées, dont l’une s’est présentée « en chasse pure ». C’est plus que de l’audace, c’est de la témérité. Et cela marche. « On va relancer l’aventure américaine », assure-t-il, pour s’en réjouir. Ce qui ne l’empêche pas d’apporter une nuance sur l’appétence de la nouvelle génération pour le travail. « Les jeunes entreprennent, et c’est une très bonne chose. Mais la plupart raisonnent en sprinters, et pas en marathoniens. Moi, je fais le marathon. Avec une mobilité interne extrêmement forte. »

Au moment de conclure cette rencontre – car c’est plus une rencontre qu’une interview –, Marc Fernandez résume son propos avec un naturel désarmant. « Au fond, on est une PME. On deale avec de l’humain du matin au soir. Chacun a un rôle à jouer. Pour ce qui me concerne, je considère que le management est bien plus gratifiant que le côté financier. Autre chose : je suis arrivé à un stade où je fuis les relations pénibles. Le point clé de mon style de management est de trancher de manière rapide et ferme pour que mes collaborateurs ne soient pas dans le flou, qu’ils connaissent le cap et qu’ils puissent agir en conséquence. J’aime bien cette petite formule, simple et efficace, que je garde toujours à portée de regard dans mon téléphone. Elle se marie pas mal
avec “Quand il y a un doute, c’est qu’il n’y a pas de doute”. C’est la suivante : “une demi-décision, c’est le bordel au carré”. »

Marc Fernandez - Mobilis

« Je tranche rapidement et fermement pour que mes collaborateurs ne soient pas dans le flou, qu’ils connaissent le cap »

Marc Fernandez a son franc-parler. Voilà pour la forme. Mais il essaie également d’être honnête intellectuellement. Voilà pour le fond. « Je suis un emmerdeur. J’ai le sens du détail. Mais je comprends qu’il faut laisser aux gens de l’espace. Cependant, il y a une chose qui ne change pas : je veux que Mobilis dure et reste différent des autres. Pour cela, il faut faire ce que l’on maîtrise. Totalement et uniquement. » Il conclut dans un sourire, avec une fierté bien légitime : « C’est pas trop mal, partir d’un CAP vente et réussir à monter des usines en France ! » Le cri du cœur.

Repères

Marc Fernandez a 48 ans. Il est père de deux enfants.
Parcours
1993 CAP vente à Évian-les-Bains (Haute-Savoie). Diplôme complété par une maîtrise d’ingénierie commerciale obtenue à Annecy
1999 Mobalpa (groupe Fournier) Intranet Project Leader
2003 Country Manager chez Mobilis pour l’ensemble de la péninsule Ibérique (soit Espagne et Portugal)
2004 Toujours chez Mobilis, directeur des ventes Europe
2006 Directeur général adjoint
2010 Accède à la direction générale du groupe
2013 Tout en conservant ses fonctions de DG, il devient associé de Mobilis
2019 « Nous rachetons Mobilis aux deux fondateurs »

J’aime

Musique Je suis plus podcast mais j’aime les concerts, le rap et la musique électronique. De NTM à Laurent Garnier.
Littérature J’essaie de lire un livre par semaine. Deux ouvrages que j’adore : Le Portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde, et 99 francs, de Frédéric Beigbeder.
Cinéma Le Loup de Wall Street. J’aime la folie de ce film.
Lieu Le calme et la sérénité de la montagne. J’ai un petit refuge au pied des Grandes Jorasses, en Italie.
Gastronomie L’aperitivo italien dans un bar. Toutes les générations s’y retrouvent.
Passion Je n’ai pas de passion, rien qui sort du lot.
Sport et loisirs La montagne, le ski, le golf. J’essaie de pratiquer régulièrement.