vue futuriste d'une ville intelligente

Villes et bâtiments intelligents échaffaudent l’avenir de l’IT

Pour devenir « smart », l’urbanisme et l’immobilier s’appuient sur une composante numérique significative, dont les ESN tireront profit.

Oct 2020
Par Frédéric Monflier
Wallix brandit son bouclier cybersécuritaire pour Kardham Digital

Energéticiens, mainteneurs multitechniques, spécialistes de la gestion technique de bâtiments et startups par dizaines : les solutions logicielles pour le smart building, parfois articulées autour d’une maquette numérique (BIM), sont issues de multiples sources, et répondent à un spectre de besoins variable. Début mars, Kardham Digital, filiale du groupe Kardham (conseil en immobilier, architecture, etc.), a lancé l’offre Kardham Cyber Building. Si des services assez classiques de smart office et de pilotage énergétique sont de la partie, l’offre se distingue par un service managé de cybersécurité, en partenariat avec l’éditeur Wallix. Des outils tels que Wallix Bastion, pour contrôler les accès aux SI, et Wall4iOT, pour sécuriser la convergence des réseaux IT, OT, IoT, seront mis en oeuvre pour protéger le bâtiment d’éventuelles attaques.

Les projets de bâtiments et de villes « smart », dont l’architecture repose sur un pilier numérique, créent-ils des opportunités pour la filière de l’IT ? Dans le cas du bâtiment intelligent, le référentiel Ready2Services (R2S), finalisé en 2018 par la Smart Buildings Alliance (SBA), constitue assurément une ouverture. « Ce R2S a marqué les esprits, car il met en exergue l’obligation d’intégrer les technologies numériques [aux bâtiments], déclare Alain Kergoat, directeur des programmes de la SBA. Pour obtenir le label R2S accompagné de trois étoiles, il faut s’adjoindre les compétences nécessaires. » Un édifice conforme aux prérequis décrits dans le référentiel R2S, sera déclaré communicant, et traversé par un réseau fédérateur IP. Celui-ci collecte les données transmises par divers objets connectés (sondes d’occupation, température, etc.) et par les bus de terrain, ces « ruisseaux » qui irriguent les équipements et appareillages techniques, comme la climatisation ou la ventilation. « Alors se posent des questions de conception, de configuration et d’exploitation, observe Alain Kergoat. Les promoteurs s’aperçoivent que les bureaux d’études possèdent, certes, des compétences dans les courants faibles et la gestion technique du bâtiment, mais éprouvent des difficultés à concevoir un réseau IP. » De plus, après la mise en service de ce réseau, encore faut-il que les foncières et les exploitants sollicitent du personnel pour le superviser.

+20 %

C’est la hausse des investissements dans la smart city, prévue en 2020, dans le monde.
(Source : IDC)

Connu dans le milieu de l’IT, le métier d’administrateur réseau est donc appelé à se transposer dans le bâtiment, où il deviendra l’exploitant « smart » dédié au maintien en condition opérationnelle. « La gestion de la donnée elle-même est une problématique plus récente encore, fait remarquer le directeur des programmes de la SBA. On vit l’avènement du building operating system [ou BOS], un middleware chargé de collecter, de traiter et de redistribuer les données. En cela, le BOS est similaire à l’ESB [bus pour les applications] ou à l’ETL [processus d’extraction et de traitement de l’information]. Voilà ce dont une ESN se saisira, à condition de faire l’effort de comprendre les contraintes du bâtiment. D’un autre côté, un exploitant peut aussi recruter des ingénieurs systèmes. Sera-ce l’un ou l’autre ? Un peu des deux à mon sens. Il s’agit d’une nouvelle demande, à laquelle va correspondre une nouvelle offre, qui se structurera. » Ainsi, des acteurs de l’IT cherchent à s’acculturer en se rapprochant de la SBA notamment. Capgemini se montre ainsi très actif. « Pour RTE à la Défense, nous avons déployés des services – géolocalisation, occupation des espaces de réunion, conciergerie, etc. – pour accompagner les collaborateurs dans le déménagement vers leurs nouveaux locaux, indique Maxime Jeannin, architecte Solutions chez Capgemini. C’est aussi une solution que nous déployons pour nos propres collaborateurs. »

UNE BU SMART BUILDING CHEZ LES GROSSISTES ?

Côté fournisseurs, puisque le réseau IP est primordial dans un bâtiment intelligent, le nom de Cisco vient à l’esprit, d’autant que l’entreprise américaine a aussi adhéré à la SBA. « Elle prend habituellement en charge le réseau du preneur, détaille Alain Kergoat, mais la mise en place d’un réseau parallèle ouvre un nouveau marché, où vont s’écouler deux routeurs au lieu d’un. La mutualisation n’est pas d’actualité, les parties prenantes considérant le risque trop élevé. Mais les spécialistes du courant faible sont en pole position pour livrer ces équipements, car le lot Réseau informatique n’existe pas, du moins, pas pour le moment. Il se retrouve noyé dans les courants faibles, la gestion technique de bâtiment, notamment. Ces sociétés possèderont-elles ces compétences ou vont-elles les sous-traiter ? » L’interrogation se justifie aussi plus en amont dans la chaîne de distribution : les grossistes pourront-il incorporer une BU smart building ? « Ceux de l’électrotechnique, comme Rexel et Sonepar, sont en place, répond Alain Kergoat, et maîtrisent ce marché. » Et ils pèsent lourd. Malgré tout, « les Tech Data et autres peuvent pénétrer le smart building par des chemins de traverses, comme les objets connectés », poursuit-il. La smart city, à l’étage au-dessus, suscite aussi une certaine appétence, IDC prévoyant des investissements en hausse de près de 20 %, en 2020, dans le monde.

Portrait de Alain Kergoat - SBA

« Notre référentiel Ready2Services souligne l’obligation d’intégrer les technologies numériques »

Alain Kergoat, directeur des programmes de la Smart Buildings Alliance

PAS DE QUARTIER POUR LES NOUVEAUX ENTRANTS

Les ESN possèdent le savoir-faire pour concevoir et maintenir les platesformes logicielles souhaitées par les collectivités pour intégrer leurs services. Illustration avec Capgemini qui a remporté l’appel d’offres du projet OnDijon (lire p.124), après s’être alliée avec des opérateurs de la ville, dont les métiers sont tournés vers les travaux publics, l’énergie, etc. Mais la situation évolue. « Les ESN affrontent des opérateurs, comme Engie, qui veulent parfaire leurs compétences dans le numérique, selon Alain Kergoat. Ces derniers n’ont pas du tout l’intention de devenir des sous-traitants, et veulent conserver leur fonction historique d’agrégateur de l’offre. » Engie a enclenché ce mouvement avec Engie Solutions, qui conduit la transformation d’Angers et des communes environnantes en métropole intelligente. La propre plate-forme d’Engie, Livin’, fera le lien entre les infrastructures – éclairage public, vidéoprotection, etc. – et les services opérationnels associés. La valorisation des données produites par les villes intelligentes est un enjeu économique, en particulier quand les informations sont à disposition des entreprises et des citoyens, via une démarche open data. Opendatasoft, notamment, propose une solution de partage de données centrée sur l’internet des objets, pour accompagner les projets de smart city. L’arrivée du CIM (city information modeling) est une autre opportunité. Cette maquette 3D de la ville orientée objets (la version urbaine du BIM pour le bâtiment) peut être croisée avec des données cartographiques et géographiques, dans le but de fournir de nouveaux services. Un travail d’intégration dans les cordes d’une ESN, là encore. Dernière possibilité : les projets de réaménagement urbain. Se développent des services liés à la mobilité, à l’énergie – dans le quartier des Batignolles (Paris XVIIe), une expérimentation smart grid est en cours – ou à la conciergerie. « Or, les opérateurs qui proposent ces offres nécessitent une plate-forme numérique », signale Alain Kergoat. Du grain à moudre pour les acteurs de l’IT.

Les ESN possèdent le savoir-faire pour concevoir et maintenir les plates-formes logicielles souhaitées par les collectivités pour intégrer leurs services.