Le recours au numérique pour choyer les clients
Depuis dix ans, les magasins redoublent d’idées pour se réinventer. À l’heure de l’e-commerce triomphant, ils intègrent un nombre grandissant de technologies IT pour y enrichir l’expérience client.
Avr 2022Le commerce n’est plus seulement connecté, il est intelligent. » Voilà comment Vincent Mayet, le directeur général d’Havas Commerce, a dressé l’état des lieux de la distribution lors de la conférence d’ouverture de Paris Retail Week 2021. Un salon qui présente chaque année les technologies qui feront le retail de demain. Et dans ce domaine où les professionnels veulent être au plus près des clients, leur simplifier les courses et la livraison, susciter l’acte d’achat ou prévenir leurs souhaits, le numérique dicte leur rythme. Constituée de caméras à double objectif et de NVR, associés à la plate-forme logicielle HikCentral, Hikvision AI, par exemple, est une solution de comptage et d’analyse de performance dans les points de vente. Composée de capteurs, elle précise à l’utilisateur qui sont ses chalands fréquentant le magasin. Elle décrit leurs comportements et leurs déplacements, ou évalue le temps d’arrêt devant les vitrines et donc leur niveau d’attractivité. Avec ces boîtiers capteurs rendus intelligents par des algorithmes, on mesure ainsi la pertinence du merchandising, et on réajuste rapidement les rayons et les têtes de gondole. La solution SmartCounting de Nedap, quant à elle, enregistre d’autres facteurs que le comptage des personnes, comme la distinction par genre et par âge (enfants ou adultes), tout en distinguant les membres du personnel et les visiteurs. SmartCounting mesure aussi le niveau d’interaction entre les clients et une équipe de vendeurs, ainsi que le temps d’attente moyen sur des zones spécifiques (temps de captation mais aussi temps subi).
« En s’ouvrant aux technologies du numérique, les enseignes rattrapent leur retard sur les clients »
Matthew Shay, CEO de la National Retail Federation, lors de Paris Retail Week 2021
RÉASSORTS AUTOMATISÉS ET PRÉVISIONS ÉVALUÉES
La disponibilité des marchandises en magasin est un autre défi à relever par les enseignes. Dans pareil cas, une offre telle que Vekia Engine, basée sur l’IA, optimise la supply chain (comprenant la logistique, le pilotage des stocks et les factures). Ce type de logiciel met à disposition des commerçants des calculs de prévisions et d’automatisation des réassorts. L’outil prend notamment en compte des facteurs qui impactent les ventes, comme la météo ou la localisation, et même l’état de l’activité de telle ou telle enseigne. La révolution numérique de la PLV dynamique a également bouleversé nombre de magasins, par l’installation de bornes interactives grâce auxquelles des informations sur des produits apparaissent à l’écran (comparatifs, caractéristiques, accessoires disponibles, etc.) lors de la prise en main par le client dans le point de vente. Présentée dans les années 2010 comme le nouvel eldorado du retail, la technologie beacon aurait elle aussi de quoi attirer le quidam qui passe à proximité d’une boutique, en lui envoyant une publicité sur son smartphone. « Sur le papier, la microgéolocalisation consiste à revenir aux fondamentaux du commerce, analyse Vincent Mayet, chez Havas Commerce. Restaurants, cinémas, agences immobilières et, bien sûr, la distribution pourraient s’en servir pour pousser des promotions. » Néanmoins, ces petites balises n’ont jusqu’ici pas tenu toutes leurs promesses. Outre des obstacles psychologiques et juridiques, « l’erreur a été de faire des beacons un gadget, simplement destiné à proposer des offres au client. Or le consommateur risquerait d’être noyé sous la profusion de ces alertes. Ainsi, pour que le client accepte de jouer le jeu, le service devrait présenter une vraie valeur ajoutée, en appartenant à une stratégie de relation client globale. »
« La crise sanitaire pousse à utiliser davantage l’outil numérique. C’est un gros investissement mais aussi un tremplin pour les ventes. »
Vincent Mayet, directeur général d’Havas Commerce, lors de Paris Retail Week 2021
RELATION CLIENT ET SERVICES PROACTIFS
Après l’emballement pour cette innovation estompé, les spécialistes du secteur se sont recentrés sur une relation client et des services beaucoup plus proactifs dans les boutiques. « À l’heure où elles adoptent le digital everywhere, le grand défi des marques consiste à humaniser une relation client de plus en plus dématérialisée », expliquait Matthew Shay, CEO de la National Retail Federation (NRF), au cours de son intervention à Paris Retail Week 2021. « Les clients étant de plus en plus connectés, le challenge est de parvenir à gérer ce volume de façon qualitative et efficace », observe Vincent Mayet. En d’autres termes, dans les boutiques physiques, il faut être là où le client se trouve. Et quel que soit le canal choisi, la réponse apportée doit être humanisée. Un argument qui a fait défaut à des humanoïdes futuristes comme Pepper pour percer dans les commerces. En raison de capacités limitées d’interaction, le petit robot n’aura finalement pas pu devenir un produit de masse. « Humaniser, c’est le meilleur atout des retailers traditionnels contre le développement du online, estime Matthew Shay (photo). Il existe une opportunité unique de réinventer l’interface magasin client, en offrant le même niveau de service que celui proposé par les e-commerçants, notamment par leur capacité de mieux servir les visiteurs en magasin, de leur formuler en temps réel des recommandations, et de développer le lien de proximité. La technologie numérique, simple comme elle l’est devenue donne cette chance au monde physique. » Les tablettes connectées, en particulier, ont été adoptées par les boutiques, les restaurants, les agences immobilières et autres enseignes spécialisées (Ikea, Sephora, Decathlon, Leroy Merlin, etc.) Qui plus est, 32 % des grands retailers projettent de déployer des tablettes cette année, pour mieux interagir avec les clients, selon Gartner. Dans cette attention à améliorer la satisfaction du client, la réduction de l’attente aux caisses apparaît cruciale. À ce titre, en faisant leur entrée dans les magasins, le NFC ou le paiement mobile et le paiement en libre-service ont révolutionné l’acte d’achat. La caisse enregistreuse, pour sa part, est devenue un terminal tout en un tactile, souvent inspiré des PC intégrant l’unité centrale dans l’écran. Tous ces outils numériques devenus indispensables au commerce ne se limitent pas aux matériels. S’y ajoutent la fourniture de logiciels, les prestations de conseil et la vente de services liés à ces équipements. Pour l’écosystème des intégrateurs, les perspectives de business sont d’autant plus intéressantes que le numérique gagne du terrain dans le commerce. Ses acteurs sont prêts à suivre le rythme effréné des innovations dans l’IoT, la réalité virtuelle et le métavers, les cabines d’essayage connectées, les miroirs intelligents ou le « retail sensoriel », affirment les analystes.