Les prestataires au service de la modernisation du S.I. vers les clouds
Les intégrateurs, ESN et autres prestataires se posent souvent comme garants du bon fonctionnement des architectures cloud de leurs clients. Pour cela, ils relèvent tous les défis, qu’ils soient techniques ou organisationnels.
Jan 2023Par Benoît Huet
Comme l’indique François Dufour, Technical Architect chez Insight, dans un projet cloud, il ne faut pas confondre migration et modernisation. « Dans le cadre d’une migration d’infrastructure de type lift and shift, vous procédez à un déplacement des serveurs, des machines virtuelles d’un data center vers un cloud sans refonte majeure. A l’inverse, dans un projet de modernisation vers le cloud, vous reconstruisez, vous redéveloppez des applications pensées pour le cloud en vous fondant sur des technologies plus modernes. Les microservices, par exemple ». Cela dit, dans les deux cas, les motivations qui poussent les entreprises à aller vers le cloud sont portées soit par les métiers, soit par les coûts, soit encore par une sécurité qui échappe à l’interne, soit enfin par une infrastructure en fin de contrat logiciel ou matériel.
Ainsi, l’échéance du support de Windows Server 2012, prévue en octobre 2023, devrait encourager les entreprises à migrer vers le cloud. La stratégie de Microsoft avec Azure opère dans ce sens.
Pour Francois Guyonvarh, VP en charge de la communauté cloud chez CGI Europe de l’ouest et du sud, un projet dans le cloud nécessite des prérequis et de définir l’ensemble des activités (planning, préparation et mutation) : « Quelle valeur par rapport aux métiers ? évaluer les risques, la sécurité, les réglementations et la maturité… il faut bien connaître le parc applicatif et ses interdépendances. Comment utiliser mes compétences en interne ? Et puis, il faut aussi garantir le fonctionnement de l’existant durant cette transformation. Dans ce contexte, un fort sponsoring au niveau du top management est indispensable. »
Le conseil et l’accompagnement sont très prisés par les entreprises clientes, notamment par les PME et ETI où les compétences requises font défaut en interne. Comme tout projet, le travail d’un prestataire est aussi de surmonter les difficultés rencontrées. En soi, ces dernières ne sont pas forcément liées à la technique, même si certains projets prennent du temps du fait d’infrastructures vieillissantes. Les vrais problèmes relèvent, selon François Dufour, chez Insight, de l’organisation et de la gestion du projet. « Nous devons accompagner nos clients dans cette montée en compétences, ce qui n’est pas simple lorsque les ressources manquent. » Cruciale est « la prise en compte de la cybersécurité. Ce qui rassure un peu nos interlocuteurs ? Que les développeurs soient davantage sensibilisés ».
« Nous rencontrons surtout des difficultés organisationnelles dans un projet de modernisation vers le cloud »
François Dufour, Technical Architect, Insight
Les atouts indéniables des hyperscalers, au risque d’un lock-in
Quant au choix du ou des fournisseurs de cloud, de nombreux prestataires – surtout ceux qui s’adressent aux sociétés de 5 000 à 50 000 postes – avouent se tourner en priorité vers les hyperscalers Microsoft, AWS et, dans une moindre mesure, Google Cloud. Cette décision s’explique par l’étendue de leur catalogue de services, la sécurité ou la maturité de leurs offres, et la résilience apportée.
Toutefois, d’autres prestataires – sans boycotter les hyperscalers américains – se montrent plus prudents, à l’image d’Axians. En effet, la filiale de Vinci Energies prône surtout une approche hybride en exploitant au maximum des technologies open source et des plates-formes agnostiques, pour que les entreprises ne dépendent pas d’un seul fournisseur.
Johnny Da Silva, directeur de l’entité Cloud Services Providers chez Axians, donne en exemple celui d’une grande radio française, l’un de ses clients : « Cette entreprise utilise nos technologies et les services hébergés par nos soins pour streamer, alors que toute la partie digitale liée à leurs sites est portée dans Amazon. Notre enjeu est de positionner l’application du client au meilleur endroit possible, et cela nécessite de s’impliquer en amont du projet dans l’architecture applicative. »
En moyenne, Ludovic Dusautoir, VPS Consulting Services Europe de l’ouest et du sud chez CGI, admet que ses clients français font appel à trois fournisseurs de cloud suivant les besoins, la classification des données et la réglementation. En outre, le choix du SaaS est devenu une commodité pour de nombreux clients car, comme le rappelle Johnny Da Silva, c’est un modèle simple où les risques sont peu élevés. « Il est vrai que dans le cadre de ce principe, on ne fait plus de développement, juste de la configuration. Je trouve cela dommage car on lisse tout l’avantage concurrentiel. Cela dit, on trouve toujours dans les entreprises des gens passionnés qui font du sur-mesure. Nous constatons aussi que celles-là sont généralement plus compétitives. »
« Notre approche cloud est hybride et ouverte »
Johnny Da Silva, directeur de l’entité Cloud Services Providers, Axians
Les clouds souverains ont toujours leur place
Quant à la souveraineté, les acteurs locaux, nationaux et européens ont et auront toujours leur place dans cet écosystème, par exemple pour répondre à certaines données jugées critiques. Ou bien à d’autres usages, plus verticaux. « Nous observons surtout que le secteur public se tourne en priorité vers les clouds souverains, notamment ceux certifiés SecNumCloud par l’Anssi », précise à ce titre Ludovic Dusautoir, chez CGI.
De même, le catalogue des offres proposées par certains clouds souverains, tel OVHcloud, fournissent des services et des fonctionnalités à un niveau de maturité semblable à celui des concurrents américains. « Nous sommes souvent sollicités pour faire des choix de service providers. Si nos clients disposent de données confidentielles, nous regardons d’abord sur le Cloud Act pour trier les acteurs. D’autres aspects sont à prendre en compte, comme celui de la sécurité et des performances, sans oublier le volet économique. Nous intervenons dans toute cette ingénierie financière. Notre positionnement ? être un expert avec notre boîte à outils au service de nos clients », résume Johnny Da Silva.
Ce que recherchent les prestataires, est donc la disponibilité d’outils de gestion des coûts, de migration et d’orchestration fortement automatisés. Pour Francois Guyonvarh, chez CGI, cette gouvernance des dépenses cloud est toujours plus demandée par les entreprises. Tout cela s’inscrit dans la problématique FinOps.
« Notre approche cloud est hybride et ouverte »
Johnny Da Silva, directeur de l’entité Cloud Services Providers, Axians
Trouver les bons profils
Comme tous les secteurs du numérique, le cloud n’échappe pas aux difficultés de recrutement. D’autant que les hyperscalers imposent aussi des certifications qui assèchent indirectement le marché. Pour Johnny Da Silva, directeur de l’entité Cloud Services Providers chez Axians, les « recrutements ne sont pas tous liés aux diplômes, je m’attache surtout au côté passionné des candidats. » De nombreux experts, notamment les dirigeants d’écoles et de centres de formation, partagent cet avis sur la passion et la motivation. Même si ces profils de candidats n’ont pas les bases techniques apprises en école, ils expérimentent et font par eux-mêmes. De plus, immergées parmi les sachants, ces personnes s’adaptent et apprennent vite.
En outre, certains prestataires, à l’image de CGI, créent leur propre centre de formation. « Nous disposons d’un site d’expériences en partenariat avec Google, notamment dans l’analyse des données pour le retail. Nous avons aussi créé en interne U’Dev pour former des alternants aux diverses technologies cloud, notamment », précise Ludovic Dusautoir, VPS Consulting Services, Europe de l’ouest et du sud, CGI.
La conteneurisation pour un métacloud des clouds
« Non seulement la conteneurisation accélère et facilite le développement des applications, mais elle optimise aussi l’utilisation des ressources dans les environnements multicloud, les conteneurs n’incluant que ce dont vous avez besoin… » Comme le mentionne Johnny Da Silva, directeur de l’entité Cloud Services Providers chez Axians, Kubernetes s’impose comme une métaplate-forme placée sous les plates-formes de cloud.
« Chez Axians, nous mettons en avant ces technologies de conteneurisation qui conviendront à de nombreux services. On renforce ainsi ce côté agnostique dans les projets de modernisation vers le cloud. » Il ajoute : « Nous observons de nombreux PoC et initiatives dans les entreprises autour des conteneurs. » Ce modèle se répand, comme le confirme Ludovic Dusautoir, VPS Consulting Services, Europe de l’ouest et du sud, chez CGI. « La conteneurisation se pose pour les applications monolithiques, mais aussi pour le développement de nouvelles applications à la demande des métiers. »