Le cloud et l’infrastructure irriguent toute l’économie
L’informatique à la demande et l’infrastructure sont en passe de se fondre dans la sphère économique, sociale et financière. Quant à la chaîne de valeur, elle voit s’ouvrir les portes d’une virtualisation quasi infinie.
Fév 2022Par Pierre-Antoine Merlin
Au milieu d’une pandémie qui ne veut toujours pas décélérer, il n’est qu’un seul secteur d’activité qui se réjouisse encore. C’est le trio composé du cloud, du data center et de l’infrastructure numérique d’une façon générale. Tout concourt à sa progression. Le travail collaboratif, lui-même encouragé par le télétravail, mais aussi par les progrès de la bande passante pour subvenir aux besoins individuels et professionnels, pousse à exploiter les ressources de la location et du partage de données. Avec une nouvelle préoccupation : la green IT. Et dans ce domaine, l’économie et la société numériques, contrairement à la plupart des activités humaines, sont considérées pour une large part comme capables de fournir une énergie peu polluante et essentielle. Ce débouché, aussi lucratif que prometteur, se traduira-t-il par une baisse généralisée des prix, y compris et surtout pour les membres de la chaîne de valeur ? Les avis sont partagés. Avec beaucoup d’humour, Jérôme de Gea, directeur Oracle Cloud Infrastructure EMEA, explique que la tarification à l’usage fait penser, notamment de la part des hyperscalers, aux célèbres paroles d’Hotel California : « You can check out any time you like, but you can never leave. » Ce que confirme le directeur technique de NetApp, Philippe Charpentier : « Le recours au cloud pour réduire les coûts est une vue de l’esprit. En réalité, ceux-là ont tendance à exploser. » Voilà une thèse développée de longue date par certains DSI aux yeux desquels il est capital de garder les ressources IT en interne, pour des motifs techniques et juridiques bien sûr, mais aussi en raison de contraintes financières. Pour autant, les freins qui enrayeraient l’essor du cloud dans l’industrie ne sont pas avérés. Pourquoi cela ? D’abord parce que l’informatique à la demande s’appuie sur les promesses et réalisations des centres de données. Et tout montre que leurs performances en termes de stockage, de traitement et de puissance de calcul sont impressionnantes. Ensuite, parce que l’avenir s’écrit en mode hybride, liant la souplesse à la puissance – l’essence même du cloud.
« Les services doivent être déployés facilement. Ce n’est pas lié à la taille des acteurs. C’est l’agilité qui compte. »
Christophe Carrier, Channel & Alliance Director France, Equinix
UNION DES MODES
La solution se trouve ainsi, bien souvent, dans l’union et l’optimisation des modes : hybride, public, privés voire communautaire, à l’image des intranets spécialisés. Cette hybridité, loin de n’être que fonctionnelle, touche aussi les usages. On demande du stockage on-premise, mais aussi dans le monde virtuel. Chacun le vérifie : les frontières entre les univers sont de plus en plus poreuses – et le cloud est ce qui rend insensible cette donne inédite. Le collaboratif devient donc, presque à l’insu de ses promoteurs, un sésame pour le succès à moyen et long terme. La gestion des ressources physiques, virtuelles et humaines ou fine tuning, garantit un futur radieux au cloud et à l’infrastructure. Une révolution de velours, indolore et pérenne, est à l’oeuvre. Cloud et data centers ont partie liée dans tous les domaines, même dans la sécurisation des bâtiments. Une exigence d’abord physique. Trois contraintes doivent être levées pour garantir la pérennité des installations : l’évaluation du poids et de la charge, surtout en zone urbaine, mais aussi la présence d’un groupe électrogène. Quant aux accès, ils doivent être redondés. Si possible plusieurs fois.
UNE MANNE POUR LE CHANNEL
Chez Equinix, par exemple, un entrelacs complexe associe systèmes de biométrie, caméras de vidéosurveillance et mesures de sécurité. Comme le signalait récemment Christophe Carrier, Channel & Alliance Director, France, « nous sommes une entreprise d’infrastructure numérique. L’idée est d’agir comme un hub capable d’interconnecter les entités de l’écosystème. Les services doivent être faciles à déployer. Ce n’est pas nécessairement lié à la taille des acteurs. C’est l’agilité qui compte. » Le dirigeant identifie pour le channel quatre métiers en vogue : les MSP, bien sûr, mais aussi les CSP, les intégrateurs, et, plus rarement cités, les NSP (network service providers). Il en va de même pour la protection virtuelle : ainsi, une entreprise comme Claranet utilise la technologie RAID de virtualisation du stockage, la réplication de bas niveau, et l’intervention d’un cluster applicatif. Ce cheminement vers la virtualisation et la réplication de tous les éléments qui concourent à la sécurité du data center, s’incarne aussi dans l’offre de Schneider Electric, où chaque opération est envisagée dans une optique systémique. « La notion de sécurité périmétrique est dépassée », confirme Ivan Kwiatkowski, chercheur en cybersécurité chez Kaspersky. D’où l’approche d’Oracle, qui propose plusieurs outils dédiés à la sécurité de l’ensemble dont Cloud Guard qui surveille les configurations et activités enregistrées, tandis que Maximum Security Zones amplifie la gestion des accès IaaS. Cloud et infrastructure ont tendance à grossir simultanément. Cet élan gagnant en rapidité, il devrait en résulter un effet de masse. C’est l’inverse qui se produit. Chaque partenaire, chaque utilisateur, est amené à se réaliser son propre menu.
« Les entreprises trouveront le meilleur et le plus durable des moyens pour réduire leur empreinte carbone »
Philippe Azouyan, directeur France, Dynabook
BESOINS INDIVIDUALISÉS
L’atomisation des besoins va de pair avec la massification des outils. Exemple : Easyvirt, spécialisé dans la surveillance des installations affine la visibilité du data center, fournit des données clés pour optimiser des serveurs, et enrichit la prise de décision en renseignant sur le comportement des machines virtuelles. Ajoutons à cette envolée de moyens, tous les fournisseurs qui contribuent à sécuriser l’univers du data center, château d’eau des temps modernes. Tout fonctionne en symbiose : depuis la société taiwanaise Gigabyte, deuxième fournisseur mondial de cartes mères derrière Asus, jusqu’à Vertiv, qui professe de garantir la continuité des installations critiques.
NUMÉRIQUE VERT ET VERTUEUX
La chaîne de valeur se déploie à mesure que le progrès technique et celui des usages se diffuse. Chacun apporte son concours pour que les ingrédients numériques progressent au même rythme. Il n’y a pas seulement l’offre et la demande qui s’équilibrent. C’est le progrès qui les propulse. Avec la même obsession : embarquer le channel, et miser sur les énergies vertueuses. Rob Johnson, CEO de Vertiv, décrit ainsi sa feuille de route : « Privilégier toujours l’efficacité énergétique dans notre portefeuille, ainsi que les technologies alternatives ou renouvelables, et les sources d’énergie sans carbone. La priorité est donnée aux principes de refroidissement sans eau, et nous développons des partenariats avec les acteurs majeurs de la recherche. » Philippe Azouyan, directeur France de Dynabook, résume ainsi la réunion spatiotemporelle ui se fait jour entre cloud, data center, infrastructure, collaboratif et recherche de l’optimum écologique. « À mesure que nous progressons dans cette décennie, nous sommes convaincus que les entreprises trouveront le meilleur et le plus durable moyen de réduire leur empreinte carbone. Et de faire en sorte que le travail hybride fonctionne pour tout le monde. » Quand cet objectif sera atteint, la nouvelle économie, annoncée voilà vingt ans, sera enfin réalité.
« Nous privilégions l’efficacité énergétique et les technologies alternatives ou renouvelables »
Rob Johnson, CEO de Vertiv