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Data centers : les entreprises ont la fibre régionale

Si le débat sur le cloud hybride tourne autour de la distribution des ressources et services entre le privé et le public, le choix d’un centre de données régional face à un hyperscaler ne manque pas d’atout.

Fév 2024
Par Vincent Verhaeghe

« Je veux que mes données soient proches de moi ! » Cette phrase, tous les prestataires IT l’ont entendue et l’entendent encore de la part de leurs clients. Le côté universel et sans frontières du cloud public à la sauce des hyperscalers AWS ou Microsoft Azure, qui, sur le papier, semble la parfaite illustration de ce qu’est le « village mondial », est dans l’esprit de beaucoup d’utilisateurs professionnels synonyme de risques. Pour les PME utilisatrices, la proximité des données est souvent le premier argument mis en avant pour choisir un prestataire local mais, en réalité, ce n’est pas là que doivent se situer les arbitrages.

À partir du moment où une entreprise a opté pour un centre de données basé en France, ses données seront régies par la même législation et la même compliance, quelles que soient l’importance du fournisseur et sa localisation. Ce qui change avant tout, c’est l’offre de services et les fournisseurs spécialisés dans l’hébergement régional ne se placent pas sur le terrain de jeu des hyperscalers. « Ce que nous mettons à disposition des entreprises, ce sont essentiellement des baies informatiques vides dans lesquelles elles vont déployer leurs propres produits. Nous gérons l’énergie, la sécurité physique et l’interconnexion, mais nous n’avons pas vocation à proposer du service IT à proprement parler de type SaaS ou autre, c’est le prestataire IT du client qui se charge de cette partie », explique Louis Blanchot,
P-DG d’Etix Everywhere, un des plus importants opérateurs de centres de données régionaux en France.

C’est là aussi la spécificité de ces centres locaux : ils agissent principalement au travers du channel et d’un réseau de revendeurs et d’intégrateurs IT qui eux-mêmes n’ont pas la volonté ou les ressources pour gérer en propre toute l’infrastructure de leurs clients. « Plus des deux tiers de ceux qui font appel à nous sont des revendeurs IT. Nous ne s ommes pas une société avec des centaines de commerciaux : ces partenaires sont ceux qui commercialisent nos offres auprès des entreprises », indique Louis Blanchot.

Même discours chez Castle IT, un fournisseur de centres de données situé à Tours (Indre-et-Loire), qui s’est construit sur le principe de passer majoritairement par le channel. « Nous avons environ 400 partenaires en France et sommes présents sur IT Partners avec notre propre stand depuis plusieurs années. Notre chiffre d’affaires est réalisé à 95 % sur l’indirect, les 5 % restants concernent les quelques grands comptes qui font appel à nous », explique Maxime Paillot, cofondateur de Castle IT et en charge du réseau de partenaires.

Contrairement à Etix Everywhere, Castle IT propose une couche de services IT et réalise certains développements logiciels, mais cela reste limité et, surtout, le client conserve la gestion de la partie opérationnelle.

Louis Blanchot - Etix Everywhere

« Dans les data centers régionaux, nous gérons l’énergie, la sécurité et l’interconnexion, mais nous n’avons pas vocation à proposer du service IT »

Louis Blanchot, P-DG d’Etix Everywhere

En phase avec les opérateurs

Un des principaux avantages de la proximité des centres de données est lié à la performance. Moins de kilomètres à parcourir, c’est mécaniquement moins de latence et, pour certains métiers et applicatifs, cela revêt une importante capitale. Encore faut-il que les réseaux informatiques et télécoms soient à la hauteur.

Dans ce domaine, Etix Everywhere mise sur la pluralité, ayant passé des accords avec une cinquantaine d’opérateurs, dont le dernier en date, Terralpha (filiale à 100 % de la SNCF), dans la région Hauts-de-France. « Nous avons mis en place une sorte de marketplace qui donne la possibilité au client de choisir l’opérateur qui lui convient le mieux, que ce soit en raison des services qu’il propose ou selon sa couverture géographique. Nous ne faisons pas d’achat-revente des accès, nous mettons juste à disposition les nœuds. »

Autre élément clé pour ces opérateurs, l’interconnexion. Que ce soit pour des clients ayant des installations sur plusieurs sites ou pour assurer la redondance des applications et des données, le centre de données local ne peut pas se contenter d’agir seul dans son coin. Plusieurs approches sont possibles. Etix Everywhere profite, par exemple, de son portefeuille de douze sites répartis dans cinq régions en France et de quelques emplacements hors des frontières. L’interconnexion en fibre noire entre ces sites leur confère une bande passante optimale et une sécurité renforcée car elle limite les connexions vers l’extérieur.

Chez Castle IT, il n’y a pour l’heure qu’un seul site en propre dans la région de Tours mais l’opérateur dispose notamment pour la redondance de ressources d’un centre de données opéré par Equinix. « Notre objectif est de développer un second site Castle IT, mais le fait de travailler avec Equinix nous confère de la souplesse », explique Maxime Paillot.

« Notre objectif est d’avoir un second site Castle IT, mais travailler avec Equinix nous confère de la souplesse »

Maxime Paillot, cofondateur de Castle IT
Maxime Paillot - Castle-IT

Conformité et RSE

Les clients qui font appel aux opérateurs de centres de données régionaux sont également très sensibles aux critères réglementaires. Les normes, souvent complexes, à respecter quand on exploite des infrastructures privées sont de facto intégrées, y compris certaines très restrictives, comme le HDS pour les données de santé. Dans le cadre d’une démarche RSE, les clients tirent les bénéfices des efforts mis en œuvre par les opérateurs pour que leurs centres de données soient le plus respectueux possible de l’environnement.

« Le PUE [indicateur d’efficacité énergétique, NDLR] est le nerf de la guerre. Par exemple, une banque n’ira pas dans une infrastructure dont le PUE est supérieur à 1,2. L’énergie est de toute façon devenue un des éléments stratégiques de notre business model, et c’est le premier poste de coût. Nous provisionnons de l’énergie verte sur quinze ou vingt ans pour assurer un prix au kilowatt fixe car tout changement de tarification doit être justifié auprès du client », explique Louis Blanchot.

Le discours est le même du côté de Castle IT. « Ces dernières années, le prix du kilowatt pouvait aller de 140 à 200 euros ; nous n’avons pas répercuté les hausses sur les anciens clients mais elles affectent les nouveaux. Heureusement, les tarifs sont aujourd’hui revenus à des niveaux plus raisonnables », note Maxime Paillot. Le coût énergétique ne dépend toutefois pas que du centre de données mais aussi des équipements installés par les clients eux-mêmes dans les baies et racks mis à leur disposition.

Dans ce domaine, les opérateurs n’ont pas vraiment la main, même s’ils peuvent soumettre à leurs clients des listes de produits de référence côté serveurs comme côté appliances. Certaines adaptations peuvent être proposées, à l’instar d’Etix Everywhere qui met à disposition des salles spéciales pour des équipements hors norme, mais le gros intérêt de la proximité du centre de données est qu’il permet au revendeur voire au client d’intervenir directement et physiquement sur ses équipements comme s’il agissait dans le cadre d’une infrastructure privée.

Loin d’être concurrentiels avec les hyperscalers ou les opérateurs internationaux tels Equinix ou Digital Reality, les opérateurs de centres de données régionaux en sont au contraire un complément idéal : rassurants pour les clients, accessibles pour le channel et très souples en termes d’intégration et d’évolutivité.

Nexeren, le DC estampillé Xefi

Outre son activité de franchiseur, Xefi dispose d’une filiale en propre gérant des data centers régionaux, soit une demi-douzaine de centres répartis sur le territoire. Certains bâtis de toutes pièces, comme le RVS 5 de Vienne qui représente un investissement de 12 millions d’euros, et d’autres issus de rachats, comme celui d’IBO dans le Puy-de-Dôme, acquis en 2021. Nexeren propose ses services aux franchisés de Xefi mais est ouvert à l’ensemble des entreprises, qui profitent ainsi des niveaux de certification des infrastructures : Tier III, Tier IV, ISO 14001, ISO 27001 et HDS.

Etix Everywhere, local et international

Fondé en 2012, Etix Everywhere est à l’origine concepteur de data centers pour des gros acteurs, comme Bull, avant de devenir opérateur. Il dispose de 12 sites en France et est présent à l’étranger (Australie, Belgique, Colombie…). L’entreprise, qui a reçu le soutien du fonds Eurazeo en février 2023, compte 70 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros dont 95 % en récurrent.

Castle IT a trouvé son créneau

Ouvert en 2016 à Larçay, près de Tours, le data center de Castle IT propose 1 300 m2 de surface accessible en colocation. L’opérateur travaille exclusivement en indirect avec environ 400 partenaires. Il dispose de clients dans la France entière et réalise un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros avec 15 collaborateurs.