Identification automatisée d'un visage

Un autre regard sur la vidéoprotection

Les systèmes de vidéoprotection sont en hausse constante, autant dans l’espace public que privé. Leur diffusion s’accompagne d’un renforcement technologique avec l’irruption du big data et de l’intelligence artificielle.

Jan 2021
Par Thierry Bienfait

A en croire un rapport du gouvernement sur la justification de la vidéoprotection, paru en juillet 2019, « la vidéoprotection de voie urbaine [permettrait] de réduire le niveau de délinquance, et a un effet préventif significatif ». Pour les pouvoirs publics, les caméras prouvent leur utilité : « Le nombre de faits constatés baisse plus rapidement dans des villes équipées de vidéoprotection que dans celles où aucun dispositif n’est installé. » Les thuriféraires du tout-sécuritaire y voient l’assurance de l’efficacité. Avec l’assentiment d’une majorité de la population, la France s’est dotée de quelque 60 000 caméras depuis 2010, un chiffre qui a doublé en moins de dix ans. Et l’on devrait en recenser encore bien davantage au cours de la prochaine décennie, estime l’institut d’études Comparitech. Par exemple, « avec un équipement de 80 caméras pour 100 000 habitants, Paris ne fait pas partie des villes les plus vidéosurveillées d’Europe. À Londres, le taux s’approche de 7 000 pour 100 000. » Quant au titre mondial, il revient à Chongqing, nouvelle mégapole chinoise de quelque 32 millions d’habitants, qui affiche un ratio de 16 800 caméras pour 100 000 habitants. Loin du niveau atteint par la Chine ou les États-Unis, l’Hexagone comble néanmoins son retard. Selon la Gazette des communes (février 2020), Nice compte déjà 771 caméras pour 100 000 habitants, soit un équipement pour 130 habitants en moyenne. Un nombre qui a été multiplié par 3,5 en 2019. Nîmes et Toulon complètent le podium des villes de plus de 150 000 habitants qui surveillent le plus leurs administrés, avec respectivement 267 caméras et 159 caméras pour 100 000 habitants. Enfin, la ville qui a le plus agrandi son réseau est la Ville rose, où leur nombre est passé de 17 à 400.

1,3 Md€ C’est le chiffre d’affaires généré par la vidéoprotection

(Source : Statista)

LE DISPOSITIF COMPLÉTÉ PAR LE BIG DATA ET L’IA

Mais outre les caméras, c’est sur le big data et l’intelligence artificielle que misent les secteurs public et privé, pour améliorer la protection des biens et des personnes, dans la rue, les magasins, les transports en commun, les établissements publics, les immeubles d’habitation et de bureaux, etc. Concernant l’intelligence artificielle, le maire de Nice, notamment, milite pour sa mise en application aux systèmes de vidéosurveillance. En la matière, les acteurs ont dépassé le stade de l’expérimentation. En effet, « pour les agents de sécurité, l’intelligence artificielle est devenue le seul moyen de travailler en temps réel, soutient Dominique Legrand, le président de l’AN2V [Association nationale de la vidéoprotection]. L’intérêt de l’intelligence artificielle est de permettre à ces opérateurs d’aller droit aux éléments les plus intéressants. » La plupart des fournisseurs proposent ainsi des systèmes de reconnaissance faciale et d’analyse comportementale intégrés à leurs caméras, qui créent en temps réel les profils des personnes filmées par ces mêmes dispositifs. La granularité des métadonnées s’avère impressionnante : âge estimé, sexe, couleur des vêtements, avec ou sans lunettes, bagages, etc. Tous ces critères de classification sont générés et archivés à la volée, et tracent un individu d’une caméra à l’autre, afin de reconstituer son parcours. « Il s’agit de reconnaître un individu habillé d’un manteau bleu qui a laissé une valise à l’abandon dans un aéroport », cite en exemple, Marc Pichaud, cofondateur de Just Do IP, organisme de consulting en vidéosurveillance. Il ajoute que « la technologie est bien au point ». Ce marché représente des centaines de millions d’euros d’investissement, dont profitera la filière des entreprises qui développent, commercialisent et intègrent des produits et services de vidéosurveillance, estime le Comité stratégique de filière des industries de sécurité (CSF-IS).

Portrait de Dominique Legrand AN2V

« Permettre aux opérateurs d’aller directement aux éléments les plus intéressants »

Dominique Legrand, président de l’AN2V

METTRE AU POINT LA RECONNAISSANCE LÉGALE

Malgré tout, le sujet de l’IA en vidéo alimente le débat. « La problématique, c’est la souveraineté, le risque cyber et la fuite des données, souligne Dominique Legrand. Il faut se méfier de certains constructeurs étrangers, notamment asiatiques, mais en même temps, travailler avec eux, en osmose. » Concernant l’autorisation de la reconnaissance faciale dans l’espace public, l’Union européenne appelle à une gestion éthique et responsable de l’IA, en exigeant que les systèmes à risque soient « transparents, traçables et supervisés par des humains ». Parallèlement, elle dévoile un plan stratégique qui envisage la création d’un marché unique européen des données sécurisées. Les barrières techniques étant levées, il ne reste donc plus qu’à prendre en compte les limites réglementaires

Caméras de vidéosurveillance devant BigBen
7 000 caméras pour 100 000 habitants sont installées à Londres (Source : Comparitech)

LE MIDMARKET DANS LE VISEUR DE LA VIDÉOPROTECTION
Les leaders ne construisent pas que des offres réservées aux grands comptes, composées de solutions sur mesure. Ils cherchent à diversifier leur clientèle en visant les PME et TPE comme Hikvision, qui propose des produits « packagés, simples à installer et à utiliser, assorti d’un excellent service de proximité ». Pour implanter leurs services sur tout le territoire, les fournisseurs veulent s’appuyer sur les partenaires revendeurs intégrateurs tournés vers les PME, et les plus convaincus par la vidéosurveillance : les magasins indépendants dans la grande distribution, la logistique et l’industrie, les établissements de santé et les fermes de données, par exemple. Le tout-en-un de supervision de la sécurité (détection des intrusions ou incendies, contrôle des alarmes et des accès, etc.) enregistre 14 % de croissance, selon IDC.

LES CONSTRUCTEURS ZOOMENT SUR L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Les systèmes de vidéoprotection les plus avancés en machine learning et deep learning sont conçus pour trier les flux d’informations provenant des caméras. Dopés à l’intelligence artificielle, ces dispositifs sont autonomes, lancent automatiquement une alerte et préviennent les agents de sécurité après détection d’une intrusion ou d’une agression. Les progrès accomplis devraient faire progresser les données produites de 20 % d’ici à 2025, selon les analystes d’IDC. Cette montée en puissance s’accompagne de la résolution supérieure des caméras de dernière génération. Capables de capturer une grande richesse de détails, les modèles 4K laissent augurer des avancées notables dans l’utilisation de ce type d’équipement – y compris dans un environnement humain dense. « Le but est de garantir que l’information soit la plus fiable et la plus opérationnelle possible, afin d’éviter au maximum les déclenchements d’alertes intempestifs », explique Dominique Legrand, président de l’AN2V.