Le marché du disque dur tourne rond
Alors que le monde du PC et des data centers s’est tourné depuis quelques années vers l’eldorado du SSD, le vieux marché des HDD recouvre des couleurs en attendant la percée commerciale des SSHD.
Juin 2022Par Thierry Bienfait
Dix ans après avoir encaissé le choc de la révolution technologique des mémoires Flash, les fabricants de disques durs se partagent un marché certes arrivé à maturité mais qui continuent de générer des marges confortables. Pour cela, les leaders du secteur ont été contraints d’investir massivement. Tout d’abord, les opérations de concentration se sont multipliées dans les années 2010. Par exemple, l’américain Western Digital a jeté son dévolu sur Hitachi, tandis que son compatriote Seagate a mis la main sur LaCie. Parallèlement, ces géants du stockage informatique se sont impliqués dans l’émergence du marché SSD, en déboursant des milliards de dollars dans le rachat de ses spécialistes, à l’image de l’acquisition de SanDisk par Western Digital. Autant d’opérations interprétées à l’époque par les analystes comme « des mouvements défensifs ». Un rapport du cabinet d’études IDC notait alors qu’« avec le recul des ventes de PC année après année, les perspectives de croissance demeurent limitées sur le marché des disques durs ». Pourtant, les bons vieux disques durs ont encore de l’avenir. Les fabricants ont étoffé un peu plus leur portefeuille de technologies.
NOUVEAU DESIGN
Pour le grand public comme pour les entreprises, pour les disques durs externes comme pour les modèles destinés aux serveurs informatiques, le design de leurs produits a été repensé, la capacité de stockage augmentée, l’engagement dans la mémoire Flash poursuivi, la consommation énergétique réduite et la vitesse accrue. Cette diversification technologique est symbolique d’une évolution dans l’univers IT. En effet, c’est tout l’environnement de marché qui a changé pour les fabricants de disques durs. La baisse des ventes de PC dans le monde, victimes du succès des smartphones, des notebooks et autres terminaux mobiles, a obligé les acteurs du secteur à repenser leur modèle économique. « L’activité des fabricants de disques durs demeure importante. Car les besoins en stockage informatique, alimentés par la profusion de terminaux mobiles, ne cessent de croître », observe IDC. Depuis quelques années, le portefeuille de clients des fournisseurs a évolué. Leurs relations commerciales se sont étoffées avec des groupes tels qu’AWS, Google ou Facebook. Les phénomènes du cloud computing et du Big Data figurent désormais parmi leurs principaux catalyseurs d’activité. « Plus d’un tiers de leurs clients actuels ne figuraient pas dans leurs fichiers il y a dix ans », illustre IDC. Alors que les grands fournisseurs de mémoires enregistraient en moyenne une chute de leur chiffre d’affaires de 14 % en 2017 – et affichaient des résultats opérationnels souvent divisés par quatre ou cinq –, ils ont depuis trouvé d’importants débouchés auprès de la clientèle des détenteurs de data centers. Les analystes estiment que plus de 20 % des disques durs vendus sont destinés à des clients du cloud. Ce qui représenterait environ 30 % du C.A. des fournisseurs de disques durs.
La dématérialisation croissante du stockage ne les inquiète donc pas. « Que les gens stockent sur leur PC, leur smartphone ou dans le cloud, à la fin de la chaîne, il y a toujours un système physique. On peut gagner sur tous les tableaux », veut croire Dave Mosley, le patron de Seagate Technology. En termes d’innovations technologiques, le disque à semiconducteurs a vite fait son chemin et prend le pas sur le HDD. Selon le site spécialisé WCCF Tech, plus de 350 millions de SSD se sont vendus dans le monde en 2021. Car la technologie SSD culmine en termes de débit et de temps d’accès aux données. La différence avec le HDD est de l’ordre d’un rapport de 100 pour le temps d’accès, et de 5 ou 6 pour le débit.
Devenue moins onéreuse, la mémoire Flash bouleverse la donne sur le marché du disque dur.
LE HDD A DE BEAUX RESTES
Outre la fiabilité, le rapport entre capacité de stockage et prix reste l’argument principal du HDD. Ainsi, on trouve des modèles de 6 To au tarif d’un SSD d’entrée de gamme. Toutefois, pour proposer le meilleur des deux mondes, des constructeurs pionniers tels que Seagate, Western Digital ou Toshiba ont développé les SSHD (solid state hybrid drive). Le compromis idéal : le SSD comme « mémoire tampon de second niveau » entre la mémoire tampon classique de premier niveau et la partie disque dur magnétique proprement dite. Ces supports de stockage hybrides sont réputés pour associer les performances et la rapidité de la mémoire Flash au faible coût des disques durs, le tout se présentant sous un encombrement réduit, avec quelques millimètres d’épaisseur seulement. Destinés au secteur des laptops, PC de bureau ou stations de travail, les disques hybrides SSHD procureraient des performances globales sensiblement supérieures à celles des disques durs de bureau traditionnels et très proches de celles des disques SSD, notamment en termes de délai de démarrage et de lancement d’applications ou de temps de réponse. Compte tenu de leur prix, un peu plus élevé que celui des HDD, ils pourraient donc bientôt caracoler en tête des ventes. Cependant, leur croissance a été freinée par la Covid-19 et par la pénurie de semiconducteurs, aggravée par la guerre d’Ukraine¹. À l’inverse, les fournisseurs de HDD misent sur un rebond des ventes en 2022. IHS Markit note que « contrairement aux fabricants de mémoires Flash, les fabricants de disques durs seront moins impactés par les difficultés d’approvisionnement en composants, et ils pourront dès lors continuer de contrôler leurs coûts ». En attendant de voir si le disque SSHD deviendra le nouveau standard, les analystes d’IHS Markit estiment qu’il devrait se vendre cette année 753 millions de disques durs dans le monde. En valeur, le marché mondial des disques durs magnétiques et SSD atteint bon an, mal an entre 35 Mds $ et 45 Mds $ (en fonction des sources). Par ailleurs, la pression pour accroître la densité d’informations sur les disques se faisant toujours plus forte, des laboratoires de R&D ont mis au point la technique de retournement d’aimantation tout optique, dévoilée dans Science en 2013. Avec ce procédé, la densité et les temps d’accessibilité des données seraient améliorés d’un facteur 10. Voilà qui relèguerait l’horizon d’une vingtaine d’années offert par les disques durs actuels à… la préhistoire du stockage.
1 Étonnamment, les constructeurs ont arrêté la production de SSHD. Ces modèles ont disparu des catalogues Gaming, leur marché de prédilection.
QNAP COMBINE LE MEILLEUR DES DEUX MONDES
La frontière entre NAS et baie de stockage est ténue et s’efface encore davantage avec des produits tels que le TS-873AeU de QNAP. Cette solution conçue autour d’un boîtier 2U, et donc montable en rack, intègre huit baies pour disques durs mécaniques et pour assurer le maximum de capacité, mais elle dispose en parallèle de deux emplacements PCIe au format M.2 pour recevoir des modules SSD. Ces derniers serviront de mémoire cache pour doper les débits internes et se révèleront particulièrement effi caces pour les traitements nécessitant des flux de données signifi catifs (bases de données, IA, virtualisation…) Ce panachage entre SDD et HDD montre tout l’intérêt d’une telle architecture qui évite de choisir entre capacité et performance. C’est d’autant plus avéré sur ce produit qu’il est animé par un processeur AMD Ryzen Embedded V1000 à 2,2 GHz capable de recevoir jusqu’à 64 Go de mémoire. On notera également les efforts de conception réalisés par QNAP puisque le TS-873AeU est presque 40 % moins profond que les générations précédentes et consomme moins d’énergie. Il est, par ailleurs, décliné dans une version disposant d’une alimentation redondante.