ordinateur portable

Les hauts et les bas du marché du portable

Représentant plus de 70 % du segment des ordinateurs, les PC mobiles alternent chutes et ascensions de leurs ventes. L’innovation pousse les entreprises à investir dans le remplacement de leur matériel.

Août 2023
Par Thierry Bienfait

Cyclique, le marché des ordinateurs portables voit hausses et reculs se succéder, avec de forts contrastes depuis plus d’une décennie. Des résultats annuels dépassant toutes les prévisions sont suivis de bilans mi-figue mi-raisin, puis inversement. Ainsi, fin 2008, au plus fort de la crise économique, le secteur avait été particulièrement pénalisé par la mauvaise tenue des achats professionnels, les entreprises ayant gelé leurs budgets et préféré reporter leur renouvellement de parc informatique.

Conséquence : une chute de près de 10 % pour les ventes de PC portables destinés aux professionnels. L’année suivante, les ventes bondissait de 20,5 %, un record. Une croissance exceptionnelle qui s’expliquait par le phénomène des notebooks de première génération. Des modèles qui, en outre, tiraient la valeur du marché  la hausse, de + 14 % par rapport à 2008, notait alors le cabinet IDC.

En 2010, toutefois, le secteur du portable devait replonger d’environ 10 % en valeur, en raison d’une concurrence de plus en plus acérée causant une baisse des prix déclenchée par l’ensemble des constructeurs.

Fin 2010, les perspectives semblaient de nouveau meilleures, IDC et Gartner annonçant un redémarrage sensible dû à la reprise économique outre-Atlantique, puis en Europe de l’ouest. Sur les deux marchés, les croissances atteignaient alors entre 2,3 %, selon IDC, et 5,2 %, selon Gartner.

Au-delà des chiffres, les leaders Dell Technologies et HP ont vu apparaître au début des années 2010 un troisième larron, Lenovo, qui leur a grillé la politesse en se hissant à la place de numéro deux dès 2012. À partir de cette époque-là, la dynamique changera plusieurs fois de côté entre ces trois prétendants à la médaille d’or des ventes de laptops dans le monde.

En 2023, tous les constructeurs ont évolué sur un marché en berne. Après avoir touché le fond pour la énième fois, ils devraient connaître une hausse en 2024.

Quinze années d’euphorie et de morosité

Dans leur combat pour occuper la place de numéro un, les fournisseurs se sont retrouvés confrontés à des évolutions inattendues, comme la montée en puissance des tablettes tactiles voire des smartphones, à partir de 2013, perçus en ces temps-là comme beaucoup plus innovants et qui ont grignoté les ventes de PC mobiles.

Les constructeurs de laptops qui ont le moins souffert de cette concurrence technologique sont « ceux qui ont mis les bouchées doubles très tôt pour cibler le marché entreprises, le seul permettant de soutenir durablement les ventes, avec des produits plutôt orientés haut de gamme, parfois associés à une politique de prix agressive », souligne un analyste chez Gartner.

En 2014 cependant, on assiste à une vraie dégringolade. Les ventes d’ordinateurs portables sont en repli chez quasiment tous les acteurs du marché, « seuls Apple, HP, Dell et Asus limitant la casse », commente Gartner. Confrontées à une conjoncture économique incertaine, les entreprises à l’époque freinent leurs investissements et notamment la migration de leurs parcs sur les nouveaux systèmes d’exploitation. C’est l’année où, pour la première fois, le marché des PC sera dépassé par celui des smartphones.

Le cabinet Canalys s’interroge alors : « Simple repli conjoncturel ou début de l’ère post-PC ? » Même le soutien apporté habituellement aux ventes par la rentrée des classes ne fonctionne plus systématiquement tous les ans. Malgré tout, les notebooks continuent bon an mal an de tirer la demande en terminaux. Le renouvellement de leurs gammes, consécutif à l’intronisation de nouvelles puces dans les machines, a pour effet de générer plus de ventes.

Le phénomène de rebond se confirme également par le bon accueil réservé en particulier aux nouveaux systèmes d’exploitation de Microsoft (Windows 7, Windows 8, Windows Bing, Windows 10, etc.) ou de Google (Chrome OS). « La réussite pour les constructeurs d’ordinateurs mobiles passe par l’innovation, plutôt que dans les volumes et les prix », estimait-on déjà en 2010 chez Gartner.

En effet, la donne sur ce marché a vite évolué avec l’apparition des ultraportables. Dotés d’une autonomie importante et équipés de processeurs puissants, ces portables ultrafins, au design très abouti et assez peu gourmands en énergie, ont conquis le marché il y a dix ans à peine. Contrairement aux prévisions pessimistes de certains analystes, leur positionnement haut de gamme a enthousiasmé les professionnels. Très vite, la baisse des prix des nouveautés succédant aux premiers modèles a offert un nouvel élan à ce type de produits.

« En 2024, même si les taux de croissance n’atteindront pas deux chiffres, des raisons poussent à l’optimisme »

Steve Brazier, President & CEO, Canalys
Steve Brazier - Canalys

Tiraillement entre grand public et professionnels

Ils représentaient déjà 10 % des ventes d’ordinateurs en France à la fin de l’année 2013. Contre toute attente, les ventes de PC portables ont connu une nouvelle période de disette en 2014, avant une lente amélioration à partir de l’année suivante. Un regain que Gartner a mis sur le compte des produits hybrides, parmi lesquels le Pavilion x2 de HP ou le Yoga de Lenovo se taillaient la part du lion. « Les tarifs ont rapidement baissé. Ils ont été divisés par environ 1,5 en un an, favorisant le décollage de ces PC », explique Gartner.

Alors que le grand public représentait encore 52 % du marché mondial des portables en 2010, dix ans plus tard il était descendu à 44 %, au profit des professionnels. « Gérer une assise dans le monde de l’entreprise est plus exigeant. Il faut respecter des critères de sécurité, de capacité de déploiement dans le monde entier, et des services après-vente », rappelle un analyste chez IDC. Et de pronostiquer : « Les vainqueurs sur le segment des entreprises seront, à terme, les survivants sur ce marché des laptops qui se réduit, évoquant les mésaventures de Sony ou de Dynabook. Les constructeurs qui n’affirment pas une forte présence sur le segment professionnel rencontreront de plus en plus de difficultés. Ils seront contraints de se retirer d’ici à cinq ans. »

Sur l’année 2023, la bataille est passée un peu au second plan. Tous les constructeurs ont évolué sur un marché de nouveau en berne. Le recul des ventes n’a fait que des malheureux, y compris les leaders. Après avoir touché le fond pour la énième fois, il devrait repartir à la hausse en 2024. « Même si les taux de croissance n’atteindront pas deux chiffres, certaines raisons poussent à l’optimisme », souligne Steve Brazier, le patron du cabinet Canalys, invité de la conférence partenaires Dell Technologies World à Las Vegas, fin mai 2023.

Un tableau plein d’espoir

Rien ne laissait présager un tel retour en grâce. En laissant comme jamais une place au numérique et au télétravail dans notre vie quotidienne, la pandémie de Covid-19 a permis au marché des ordinateurs portables d’échapper à deux années noires.

Florence Ropion - Dell Technologies

En 2021 et 2022, « l’envolée des ventes a été historique », pointe le cabinet IDC. Seuls des problèmes d’approvisionnement et de disponibilité de produits fabriqués en Asie ont ralenti la croissance des ventes. En 2021, celle-ci a cependant atteint + 20 % dans le monde et + 15 % en France. Particuliers et entreprises se sont littéralement rués vers les modèles disponibles chez leurs revendeurs ou sur les sites de vente en ligne. Mais après deux ans d’emballement, la dynamique a fini par ralentir.

Les fabricants veulent croire que l’embellie durera un peu. « Les consommateurs vont être de plus en plus nombreux à télétravailler quelques jours par semaine », note Florence Ropion, Vice-President & France General Manager Channel  de Dell Technologies. Devenues moins réticentes à la pratique du travail hybride, les entreprises pourraient passer de nouvelles commandes et, ainsi, soutenir la demande dans les prochaines années. Selon Canalys et IDC, le marché devrait retrouver de l’allant en 2024, boosté par une reprise de l’économie, la transition vers Windows 11, et la nécessité de mettre à jour les équipements vieillissants.