Le smartphone prend les opérations en main
Puissant et ultraconnecté, le smartphone se met autant au service de la production opérationnelle que des communications.
Sep 2020Par Frédéric Monflier
Ne dites plus « smartphone » mais « solution de mobilité ». Une nouvelle appellation que justifie l’évolution de sa fonction dans l’environnement professionnel « Les usages se développent », déclare Frédéric Fauchère, directeur division B2B Mobilité chez Samsung France. Pour preuve, les engagements des entreprises reflètent ce rééquilibrage. « Alors que le smartphone représentait la moitié de ces investissements, voilà deux ans, les solutions logicielles 30 % et les services 20 %, détaille Frédéric Fauchère, le hard ne pèse plus que 34 %. Quant aux solutions, elles ont progressé à 35 %, et les services à 31 %. Les sociétés expriment leur volonté de gérer leur flotte de mobiles comme leur flotte de PC. »
« Les DSI injectent à distance, dans les terminaux, les configurations en fonction des profils métier »
Étienne Bart, responsable commercial Entreprise, Motorola
Ainsi, les fabricants ciblant le B2B doivent s’aligner dans le sens du vent. « L’année dernière, Motorola ne proposait aucun service, admet Étienne Bart, responsable commercial Entreprise de cette marque, propriété de Lenovo. Désormais, et sauf si nos partenaires le font eux-mêmes, nous soumettons une troisième année de garantie, une assurance contre la casse et la reprise du parc existant. » Pourquoi cela ? Parce que le smartphone est davantage assimilé au PC, et qu’il s’insère dans les processus opérationnels. Pourrait-il devenir hégémonique ? Dans le registre de la communication, en tout cas, il concurrence depuis plusieurs années la téléphonie fixe. La crise sanitaire récente qui a enclenché un recours massif au télétravail, a-t-elle encore favorisé sa position ? « La pandémie de la Covid-19 a accéléré les projets de remplacement en téléphonie fixe », répond Étienne Bart, chez Motorola. Mais certaines organisations n’ont sûrement pas attendu pour engager cette réflexion. « Nous travaillons sur le 100 % mobile pour des grands comptes, que ceux-ci soient publics ou privés », indique Frédéric Fauchère, chez Samsung.
EN COMPLÉMENT DU PC
Gagnant sans cesse en puissance, le smartphone ne pourrait-il pas rivaliser avec le notebook ? Après tout, un modèle de milieu de gamme, entre 200 € et 300 €, exécute des applications métier assez exigeantes. Une preuve de concept mise au point par Samsung, même si elle fonctionne sur tablette, se traduit par exemple par la virtualisation de Windows 10 et Office 365 dans un environnement Android. « Une application dédiée aux métiers nomades et sur le terrain, dans la logistique et l’industrie », précise Frédéric Fauchère, chez Samsung. Cette substitution est difficilement envisageable sur le court terme, cependant. Entre-temps, le smartphone complète de mieux en mieux le PC et le notebook, les passerelles entre les deux univers étant petit à petit désencombrées. L’une des dernières illustrations en la matière s’appelle DeX, de la part de Samsung : le collaborateur, après qu’il a raccordé un smartphone compatible (Galaxy S8, Note10, etc.) sur son écran ou son PC, retrouve un environnement de bureau familier, qu’il pilote au clavier ou à la souris. Les applications mobiles s’ouvrent sur grand écran, les fichiers s’échangent d’un mouvement de souris, et les deux systèmes fonctionnent toujours séparément. Voilà donc le multitâche et la convivialité au service de la productivité. La crise sanitaire a certes démontré l’importance de la transformation numérique et de l’un de ses principaux vecteurs, le smartphone. Mais cette pandémie a aussi révélé que l’intégration de ce dernier au système IT demeurait perfectible. « On compte entre 30 % et 35 % des collaborateurs équipés de smartphones corporate owned, les autres travaillent en mode BYOD, » indique Frédéric Fauchère, chez Samsung. Cependant, la tendance à la numérisation incitera les directions métier à accroître le parc hors BYOD. D’autre part, lors de la pandémie, les DSI se sont rendu compte qu’elles ne pouvaient enrôler ces smartphones dans leur mobile device management, du fait de l’hétérogénéité des modèles. Elles engagent aussi une réflexion pour élargir la base de smartphones corporate owned. » Cela tombe bien car Google facilite l’enrôlement et la sécurisation des smartphones Android. Ainsi, pour combler son retard sur Apple – au moins en partie – dans la manière de s’adresser aux professionnels, elle a initié, au début de l’année 2018, le programme Android Enterprise Recommanded.
« Les entreprises veulent gérer leur parc de mobiles comme leur flotte de PC »
Frédéric Fauchère, directeur division B2B Mobilité, Samsung France
ANDROID SE PROFESSIONNALISE
Par ce biais, Google teste et valide les terminaux qui remplissent un cahier des charges orienté pro : mises à jour de sécurité assurées pendant au moins trois ans, norme IP64 pour les modèles durcis, compatible Zero Touch, spécifications techniques minimales, etc. Cette fonction, apparue avec la version 8 d’Android, est consacrée à l’enrôlement. « Les DSI injectent à distance, dans les terminaux, les configurations en fonction des profils métier », explique Étienne Bart, chez Motorola. Quant au smartphone, les évolutions ergonomiques ou techniques sont peu significatives – hormis les écrans pliables – et dont l’intérêt professionnel est discutable. De façon plus générale, la taille d’écran progresse doucement, aux alentours de 6,5 pouces en moyen de gamme. Mais le gabarit est contenu, la bordure s’amincissant dans le même temps. Concernant la photo, les conditions de faible luminosité sont mieux traitées. La compatibilité PMR (private mobile radiocommunications), réseau privé et résilient pour la sécurité civile et l’industrie, est également à l’ordre du jour. Elle s’applique au premier chef aux terminaux durcis, comme chez Crosscall (lire l’encadré ci-dessous) depuis le début 2020. À propos des communications, la 5G sera déployée en France en 2021, et une dizaine de smartphones compatibles sont déjà en vente. Elle est attendue de pied ferme dans l’industrie et le transport – deux des filières les plus en attente. D’autant que « les sociétés amélioreront leur productivité », selon Frédéric Fauchère, chez Samsung, citant les exemples de la maintenance prédictive et de la surveillance de voies à la SNCF. Plus globalement, les applications de virtualisation devraient tirer profit des performances attendues de la 5G. « La connectivité est plus significative que le hard », relève Étienne Bart. C’est elle qui démultipliera les usages du smartphone en l’entreprise.
PAS DE COUP DE MOU CHEZ LE DURCISSEUR DE SMARTPHONES, CROSSCALL
Fièrement, la marque française Crosscall, née en 2009, s’est fait un nom grâce à ses produits et ses services : conformité avec la norme militaire MIL-STD810G, garantie de trois ans, et fourniture des pièces détachées pendant cinq ans… Alors que les smartphones durcis à usage professionnel étaient l’oeuvre de Zebra, Samsung (avec sa gamme semidurcie XCover), Crosscall, qui a verticalisé son approche commerciale en 2018, réalise de jolis coups : « Nous avons équipé les 25 000 contrôleurs de la SNCF en 2019 », souligne Julien Vicq, directeur de la business unit B2B. Le C.A. progresse – de 72 M€ à 85 M€ en un an – et l’entreprise aixoise a intégré en février le French Tech 120. Et ne veut pas s’arrêter là : « Nous voulons accentuer notre présence sur le B2B à l’international », conclut Julien Vicq.