Portrait de Stéphane Tripot

Stéphane Tripot – CEO de Port Designs : symbiose de la curiosité et de l’audace

Familier sans artifice, audacieux mais pas téméraire, Stéphane Tripot aime vivre ses passions. Ce trait de caractère l’a incité à endosser le rôle risqué et passionnant de repreneur-développeur d’entreprise.

Juil 2021
Texte Pierre-Antoine Merlin, photos Jim Wallace

Stéphane Tripot naît en 1967 à La Garenne-Colombes, d’un père boucher et d’une mère infirmière. Pas grand-chose à signaler sur l’enfance et les années de formation, ou, plus exactement : pas grand-chose qu’il souhaite livrer. On saura juste que sa scolarité aura été chaotique, de son propre aveu. Une aventure obligatoire soldée par l’obtention d’un BTS en informatique. « J’ai rapidement compris que ce que j’aimais dans la vie, c’était faire. » Joignant le geste à la parole, le jeune Stéphane effectue alors un choix typique de sa façon d’être : se projeter vers l’avenir, sans regarder avec nostalgie ce qui était – et qui n’est plus. Il décide en effet d’effectuer son service national dans les chasseurs alpins, à Briançon, dans les Alpes françaises. C’est la première révélation, celle qui transcende, énergise et ouvre le coeur. « J’y ai appris beaucoup de choses, en particulier la discipline, et même l’exigence. Cette période a été un élément extrêmement formateur pour moi. » Reversé à la vie civile, il cherche tout de suite du travail. L’entretien de recrutement pour son premier poste, en l’occurrence chez Toshiba, l’une des entreprises les plus en pointe du moment, le marque.

« Montrer et surtout, faire : c’est ainsi qu’on peut aider les uns et les autres à se réaliser »

MOBILITÉ CHEVILLÉE AU CORPS

Portrait de Stéphane Tripot

Il en parle avec passion, entrant dans le détail de la scène, comme si l’évènement s’était produit hier. Comme sous hypnose, il revit l’instant avec gourmandise et précision. Et pour cause : à ce tournant capital pour son avenir, Stéphane Tripot se montre volontaire, motivé, sincère. Exactement ce qu’on cherche chez le constructeur japonais. Le coup de foudre est réciproque. L’employeur parie sur lui en dépit de son jeune âge. Est-ce bien raisonnable de confier d’importantes responsabilités à un junior ? De son côté, l’impétrant s’enthousiasme à l’idée de voir canalisée son envie d’agir, de progresser. Pari gagnant des deux côtés du bureau. L’expérience fonctionne. Au bout de six ans bien remplis, Stéphane quitte Toshiba pour participer à l’aventure de la téléphonie mobile – l’occasion d’avoir à sa disposition un vrai téléphone. Son tropisme pour la mobilité s’accentue encore. Au fil du temps, au fil des missions qui s’accumulent, voilà que l’ordinateur, le téléphone, et d’une façon générale tout ce qui s’apparente de près ou de loin à la mobilité lui devient familier. Il veut toujours découvrir, agir, et se passionne pour la techno, et, peut-être surtout, pour la vente. Une prochaine étape précipite le reste. Il ne le sait pas encore, mais ses qualités vont être sollicitées pour accélérer sa réussite personnelle et professionnelle. Son dynamisme s’enrichit du goût de l’aventure entrepreneuriale, de l’envie de connaître de nouveaux horizons. Il ressent cette capacité à se lancer dans les projets, muni pour tout viatique de la confiance en lui. Ses défis sont de plus en plus contrôlés, car appuyés sur ce qu’il connaît. Ou pressent. C’est ainsi que le coup de pouce du destin s’incarne dans un appel téléphonique. Le créateur de l’entreprise Port, un certain Philippe Schneider, entrepreneur alsacien, souhaite passer la main et confier les rênes de sa société, tournée vers la mobilité, à un jeune manager motivé et capable de transformer le groupe. Nous sommes en 2003. L’aventure Port Designs commence. Sur le papier, la mission est simple : développer au plan français et, de proche en proche, à l’échelle internationale, un spécialiste de la bagagerie, de l’accessoire et de la sacoche design pour protéger et emporter les ordinateurs portables. Curieusement, les candidats ne sont pas transportés.

LA MOTIVATION COMME ARMES ET BAGAGES

Portrait de Stéphane Tripot

Tous déclarent, comme presque toujours en France, « ça ne marchera pas ». Stéphane Tripot est galvanisé. « Puisque c’est impossible, tentons-le ! Je manage mes équipes avec ce leitmotiv, car sur le papier, ce n’était pas possible, ou envisageable, de créer une PME française sur ce segment, voilà dix-huit ans. Et de multiplier le C.A. par 40 en réalisant la moitié de notre activité à l’export, avec 22 nationalités parmi mes collaborateurs. » De surcroît, il n’y a pas que le succès économique ou financier au rendez-vous de Port Designs et de son encore jeune patron. La joie de porter les couleurs de la France agrémente joliment le parcours de Stéphane Tripot. « C’est vrai, j’ai cette fierté de représenter la France à l’étranger. Peut-être faut-il y voir un héritage de mon passé de chasseur alpin… En créant six filiales, et en recrutant près de 20 collaborateurs à l’étranger, je me suis rendu compte de l’attractivité de la France, de la mode, de sa gastronomie, et de sa culture. Mais qu’est-ce qu’on aime la France, au-delà de nos frontières ! »

« Il est indispensable d’avoir, vis-à-vis de soi, la même exigence qu’à l’égard de chacun de ses collaborateurs »

SAVOIR S’ENTOURER

Portrait de Stéphane Tripot

Au quotidien, la méthode Tripot est un exemple de pragmatisme. Il fait reposer son approche sur quelques piliers forts. « Il faut faire le job, et aider les collaborateurs à atteindre leurs objectifs. Pour y parvenir, il faut montrer et surtout faire. C’est ainsi qu’on peut aider les uns et les autres à se réaliser. Je le pense sincèrement : la transmission, c’est le meilleur moyen de se réaliser. Mais il est indispensable d’avoir, vis-à-vis de soi, la même exigence qu’à l’égard de chacun de ses collaborateurs. C’est cette attitude qui rend légitime. Sinon, on n’est pas crédible. » Une autre expression revient souvent dans les mots de Stéphane Tripot : être motivé. C’est là qu’intervient une caractéristique qui n’apparaît pas toujours dans les entreprises : le rôle bénéfique, et les vertus, de l’âge et de l’expérience. « J’ai une équipe de seniors. Au début, je pensais que ce pourrait être difficile, parce qu’on se connaît souvent bien. En réalité, c’est l’inverse qui s’est produit. Les seniors qui travaillent avec moi trouvent ici une ambiance internationale, dans une PME qui est en croissance extrêmement rapide. » Ils apportent donc du lien et non de la lourdeur, contrairement à l’idée, et surtout à l’usage, fréquemment répandu. À l’arrivée, le CEO de Port Designs ne craint qu’une chose – qu’il déteste profondément : « Ce sont les gens qui lâchent. Il faut insister, rester motivé. Et, là encore, avoir des convictions. » Il marque soudain un blanc dans la conversation, avant de conclure avec une évidence si communicative qu’elle n’appelle pas de nuance : « Pour moi, l’attitude à garder en toute circonstance, c’est ‘‘never give up’’. »

PASSIONNÉ PAR LE COMMERCE

Portrait de Stéphane Tripot
« Beaucoup pensent que la vente, c’est quelque chose de simple, qu’il suffit d’avoir du culot, et puis c’est tout »

Stéphane Tripot sera toujours acteur. Jamais observateur. C’est viscéral. Pour lui, le goût de l’action et du contact humain n’est pas une pose, encore moins une profession. Son goût profond de la vente comme philosophie pratique est une praxis, pour contrefaire le langage infatué des philosophes. « Beaucoup de gens pensent que la vente, c’est quelque chose de simple, qu’il suffit d’avoir du culot, et puis c’est tout. Rien de plus faux. C’est technique. Je m’intéresse par exemple au Spanco, acronyme de Suspect, Prospect, Analyse, Negociation, Closing et Order Ongoing. » Comme on lui fait remarquer qu’on est loin de Jean-Pierre Marielle, dans « Les Galettes de Pont-Aven », il répond sans ambages : « Si l’on applique le Spanco, on atteint 100 % des objectifs. Dans certains cas, on peut monter jusqu’à 120 %. Et ainsi de suite. » En somme, les techniques de vente constituent une discipline en elles mêmes. Or, elles sont dédaignés. Stéphane Tripot fait remarquer que les écoles de commerce biffent le mot commerce de leur intitulé. Pour les unes, ce sont des instituts de management, pour les autres, des business schools. Tout un programme. Stéphane Tripot craint peut-être que le ciel lui tombe sur la tête, mais il ne craint pas la retraite. Les rencontres humaines le passionnent. « J’ai une envie permanente de dépasser les frontières, d’aller voir derrière la montagne. C’est ce qui m’a fait aller à l’étranger très vite, et ouvrir six filiales entre 2005 et 2007. Contre l’avis de beaucoup de mes amis, j’y suis allé tête baissée et ai été surpris, parfois, mais quelle richesse ! Quelles rencontres ! Jusqu’à un dîner à Dubai, en petit comité, lors d’un salon Distree de l’époque, avec d’autres entrepreneurs IT et un invité surprise incroyable et drôle, passionné de musique et de guitare : Steve Wosniak, le cofondateur d’Apple avec Steve Jobs. Une rencontre exceptionnelle. Et un personnage plein d’humour. » C’est certain, aucune entrevue dans ses bureaux, ni aucune vie ne suffiront à faire le tour du personnage. Il n’est pas près d’étancher sa soif de connaître et d’éprouver. Le choix est trop grand.

REPÈRES
Stéphane Tripot a 53 ans. Il est marié et père de trois enfants.
PARCOURS (sélection)
1988 Toshiba Systèmes France, Sales Manager.
1994 Mobility Electronics, European Sales Director. Lance la filiale française, tout en pilotant les trois
filiales du groupe.
2000 Right Vision, Director of Operations, puis Sales Director en 2001
Depuis 2003 Propriétaire de Port Europe et CEO de Port Designs.

J’AIME…
MUSIQUE Cela va d’AC/DC à Pavarotti, Genesis, Dire Straits et la jeune variété française. Le rappeur français Lomepal et Michel Jonasz.
LITTÉRATURE John Grisham, Jim Harrisson et Sylvain Tesson.
CINÉMA Albert Dupontel, Quentin Tarantino et Guillaume Canet.
LIEUX La Corse, surtout la baie de Pinarello. Le Pays basque, la côte basque, le village d’Espelette.
GASTRONOMIE Les grands restaurants comme celui de Michel Bras à Laguiole, dans l’Aubrac, mais aussi Roellinger, à Cancale. Quant aux vins, ils se trouvent surtout dans la vallée du Rhône avec les saint-joseph et autres côte-rôtie. Dans l’Hérault, le pic saint-loup, avec son domaine de l’Hortus. Et, en Corse, Comte-Peraldi et son clos du Cardinal, en rouge.
SPORTS Vélo, ski, running et boxe française.