Geraldine Salord - Metalaw

“Vendre de la licence perpétuelle n’a quasiment plus de sens” – Me Géraldine Salord – Avocat associé fondateur de Metalaw

Pour cet avocat spécialiste du droit du numérique, l’évolution du logiciel B2B vers la souscription obéit autant à une logique économique qu’à une logique technologique liée au développement du SaaS.

Juin 2023
Propos recueillis par Vincent Verhaeghe

Quels sont les principaux sujets sur lesquels on vous sollicite dans le domaine du logiciel ?

Les éditeurs nous consultent sur les contrats de licences pour leurs logiciels, et les entreprises clientes nous sollicitent lorsqu’elles souhaitent dénoncer des clauses d’un contrat qu’elles ont signé. Ce second cas arrive notamment dans le cadre de la tacite reconduction, un terme parfois mal compris par les entreprises, surtout celles dépourvues de service juridique.

La reconduction ne signifie pas la prolongation du même contrat, mais l’établissement d’un nouvel accord reprenant les clauses similaires. Toutefois les prix ou les services attachés au logiciel peuvent évoluer, et ces éléments engendrent généralement des affrontements.

Et on imagine que le modèle de souscription est particulièrement concerné par ces litiges ?

D’autant plus que vendre de la licence perpétuelle n’a plus vraiment de sens aujourd’hui, sauf pour des domaines spécifiques comme l’industrie lourde où les applications sont prévues pour fonctionner pendant quinze ans voire davantage. Pour les logiciels classiques, la souscription a pris le pas ; la transition a accéléré depuis 2010 avec le développement et l’avènement du SaaS. Mais cela met en jeu de nouvelles problématiques : celle de l’évolution des tarifs et de la réversibilité, le transfert d’un hébergeur à un autre ou encore les délais de préavis qui augmentent au fur et à mesure des renouvellements.

Ce dernier point est sensible car les entreprises sous-estiment trop souvent le temps qu’il faudra pour sortir d’un contrat et se réapproprier leurs données ou les transférer vers un nouveau prestataire. De même, la souscription rend les clients captifs des évolutions du logiciel décidées par l’éditeur, qui, par définition, ne correspondent pas nécessairement au niveau de maturité et de besoins du client.

Existe-t-il une législation spécifique au logiciel, qu’il soit en mode licence perpétuelle ou en souscription ?

Absolument pas. Même s’il s’agit de services numériques et dématérialisés, c’est globalement la loi commerciale qui s’applique assortie des mêmes garanties et de quelques spécificités.

Notons que celui qui conclut l’acte de vente est responsable auprès du client, que ce soit l’éditeur si la vente est directe au client final, ou l’intégrateur si cela passe par son intermédiaire. Ce dernier cas est d’autant plus avéré que la vente de logiciels se fait souvent dans le cadre d’un projet plus global qui met aussi en jeu d’autres produits matériels.

Un point à souligner sur un contrat logiciel d’envergure internationale : on peut  choisir la législation d’un pays tierce, même s’il n’est pas forcément lié au contrat lui-même.

Enfin il faut rappeler que le numérique obéit aussi à des règlementations spécifiques comme le RGPD dans l’Union européenne.

« Le modèle par souscription est plus proche du coût réel et se révèlera plus économique »

La contractualisation est plus souple mais souvent considérée à terme comme plus coûteuse pour le client. Quelle est votre opinion sur ce point ?

Dans le cadre d’une licence perpétuelle, il ne faut pas s’arrêter au coût initial du logiciel, souvent surestimé par les éditeurs car leur lourd investissement en matière de développement les obligera à un amortissement rapide.

En outre, côté client final, il est indispensable de prendre en compte le coût du service, notamment des mises à jour et de la maintenance qui augmentera en fonction de l’ancienneté du logiciel. En outre, il apparaît qu’un éditeur arrêtera assez vite de proposer des prestations de maintenance sur un logiciel trop ancien, ce qui entraînera son obsolescence.

De fait, la perpétuité a un terme, et ce délai se raccourcit. Le modèle par souscription, lui, est au contraire plus proche du coût réel, et surtout, beaucoup plus prédictible sur le long terme pour le client. Au final, il se révèle plus économique.

Bio express

Avocat depuis 2010, Géraldine Salord intervient essentiellement sur la propriété intellectuelle et l’innovation technologique. Après avoir travaillé dans de grands cabinets d’affaires, elle conseille et assiste les acteurs du numérique, dont de nombreuses startups dans leur développement, la protection et la valorisation de leur patrimoine immatériel. Elle a développé une expertise en droit de l’informatique et des technologies innovantes, ainsi que dans le domaine de la valorisation de la recherche et des données publiques ou privées.