Un humaniste modeste et concret – Cédric Coutat, Président d’HP France
De prime abord, Cédric Coutat force la sympathie. Et pour cause : de la banlieue de Châteauroux aux responsabilités internationales, le président d’HP France déroule sa vie avec un naturel confondant. Portrait d’un manager exemplaire par sa simplicité.
Mar 2024Par Pierre-Antoine Merlin
À force de rencontrer des chefs d’entreprise à seule fin de les transformer en portraitisés potentiels, l’auteur pourrait finir par se lasser. Pourtant, jamais cette hypothèse ne se réalise. Chaque cas est unique. Ainsi, tout président d’HP France qu’il est, Cédric Coutat continue à vivre normalement et à afficher des goûts simples.
Pas de pose chez lui. Aucune réponse préparée « pour faire bien ». Il est ce qu’il est, et c’est déjà beaucoup. « Je suis né dans le centre de la France, dans le Berry, à Déols, une commune avoisinant Châteauroux.
Mon père était technico-commercial dans une fonderie, ma mère gardait les enfants. Je me souviens qu’on faisait beaucoup de camping… J’ai eu une enfance simple, heureuse, pleine d’affection. » Visiblement, les parents du jeune Cédric avaient en eux une qualité précieuse, le bon sens. « Ils me disaient toujours : à partir du moment où tu veux faire quelque chose et à partir du moment où tu t’en donnes les moyens, tu peux y arriver. »
Ces réflexions bienveillantes, confiantes, ont-elles déclenché une sorte de vocation chez le futur dirigeant ? En tout cas, une vraie envie de faire, un besoin unique d’être au monde, le tout avec évidence, sans effets de manches, mais avec du travail et de la sincérité. « Le fait de voir mon père travailler dans un milieu industriel, de voir cet environnement scientifique et technique, m’a donné le goût et l’idée de devenir ingénieur. »
Le voilà parti pour Clermont-Ferrand. C’est là, dans la capitale de l’Auvergne, qu’il entreprend des études post-bac avec profit. À l’Institut français de mécanique avancée, il progresse rapidement. Cette structure offre en effet aux étudiants la possibilité, et même la nécessité, de se lancer immédiatement dans une occupation intense, avec pour but de déboucher sur un métier. « C’était une école créée par des industriels. Il y avait beaucoup de bonnes pratiques, de pédagogie, de travaux concrets. »
Ce mélange de formation et d’apprentissage se double, et c’est plutôt rare, « d’un travail de la personne et sur la personne. Il s’agissait bien de développer l’intelligence émotionnelle ». Une formation originale, complète, qui a visiblement compté beaucoup pour Cédric Coutat. Sans doute a-t-elle contribué à lui donner cette maîtrise, calme et sereine, qui caractérise son attitude et remplit la pièce avec bienveillance tandis que l’entretien se déploie, prend ses aises, sans tension.
Cette impression de simplicité, de normalité même, transparaît à chaque instant. Tous ses collègues en témoignent. Le patron d’HP France est spontanément abordable et accessible. C’était sans doute déjà le cas lorsque, après une année passée en Suède, « une expérience très intéressante où j’ai notamment appris le suédois, car parfois je me retrouvais dans des situations où personne ne parlait anglais ». Cédric Coutat fait le choix d’une profession. Une fois de plus, le destin va se montrer propice. Il a de la chance – en tout cas, sa façon d’être le dispose à la saisir
« L’envie était forte de revenir en France, avec en plus celle de revoir davantage de clients »
« L’envie était forte de revenir en France, avec en plus celle de revoir davantage de clients »
Mérite et progression régulière
Il ne le sait pas encore, mais le changement de millénaire va changer sa vie. En 2000, Cédric Coutat entre chez HP. Un quart de siècle plus tard, il y est toujours. Les restructurations, la scission qui a donné lieu à la naissance d’HPE, les histoires sans fin avec Autonomy, rien ne semble avoir d’emprise négative sur lui.
Un comble ! En France comme aux États-Unis, il est l’un des rares patrons du numérique à être resté fidèle à ses engagements à HP depuis si longtemps, et ce n’est peut-être qu’un début. De cette grande entreprise, il connaît presque tout. Il a traversé les époques avec une grande mobilité dans les postes et les pays parcourus. C’est un de ses points forts : il reste dans l’entreprise mais enchaîne les expériences.
Du monde du travail il ne connaît qu’HP, mais il participe à tout, se mêle à la vie de l’entreprise par tous les pores de sa sensibilité. C’est pourquoi il est impossible, dans le cadre de cette enquête introspective et humaine, de le suivre à la trace. On ne peut citer dans le détail les innombrables lieux, affectations et circonstances qui le font évoluer. Une, cependant, se détache. Car il insiste sur sa genèse.
Au mitan des années 2000, il est à Houston (Texas, États-Unis) pour piloter des équipes issues du rachat de Compaq. C’est parfois compliqué. Il travaille au Compaq Center Drive, ce qui montre bien l’empreinte de l’ex-star du PC dans cette ville immense et impersonnelle. Il vit une situation un peu délicate avec le refus français d’intégrer la coalition internationale, partie faire la guerre en Irak sous la bannière étoilée. « Je me souviens que les frites, à l’origine baptisées French fries pour faire honneur à la France sous forme de clin d’œil, étaient devenues en quelques mois freedom fries pour bien marquer la désapprobation des États-Unis. »
En dépit de ces péripéties, qui compte en tant que cadre dirigeant mais aussi comme Français, Cédric Coutat s’acquitte de sa mission avec brio. « Par exemple, j’ai monté une équipe en Asie pour l’achat de composants. Cela nous a été fort utile, notamment pour résoudre les problèmes de décalage horaire qui impactaient notre efficacité. »
C’est là qu’un nouveau coup de pouce arrive. L’un des managers, qui l’a remarqué, le prend à part et lui dit en substance : « Cela se passe bien, mais tu n’écoutes pas assez les gens. Tu es trop direct ! » Honnête intellectuellement, toujours soucieux de progresser, Cédric Coutat ne se formalise pas. Au contraire. Il profite de l’observation qui lui est faite pour s’améliorer. « C’est très important, le feed-back. J’ai donc décidé de faire une formation. Et le même manager me dit : tu passeras VP [vice-président]. C’est le premier à me parler ainsi. Cela m’a marqué. »
« En France, on a tendance à faire monter les gens. Or on peut être bon mais pas apte à diriger une équipe »
Une conception participative du management
À la fin de la décennie 2000, la décision est prise de rentrer en France. « Entretemps, j’ai fondé une famille. L’envie était forte de revenir. S’y ajoutait un motif professionnel : revoir davantage de clients. » Une nouvelle phase de sa vie s’ouvre, avec une méthode, une gouvernance de plus en plus fondée sur la nécessité de faire confiance, de déléguer aux bonnes personnes pour assurer une réussite maximale. Il y a d’abord un piège. « Il y a un problème français. On a tendance à faire monter les gens, à les inciter à devenir managers.
Or, ce n’est pas parce qu’on est bon dans une fonction qu’on est apte à diriger une équipe. » Fort de son expérience et de ses constats, le président d’HP France a les idées claires. « J’ai un mode de management plutôt collaboratif. Je m’entoure d’experts, chacun discute, on échange des points de vue. Ensuite seulement, je prends ma décision. Mais quand elle est prise, tout est fait pour que les objectifs soient accomplis. » Toujours cette façon concrète d’aborder les problèmes, de A à Z, sans déperdition d’énergie inutile.
Un système bien huilé qui suppose, en amont, une organisation adaptée. « J’ai une équipe extrêmement solide et en qui j’ai toute confiance. » Le fait est que, dans l’immeuble fonctionnel et ergonomique qui abrite HP France, l’ambiance est au travail, mais pas du tout à la fébrilité. On a un peu l’impression d’une ruche certes, mais d’une ruche studieuse. Si le stress existe, il est silencieux. Le sourire et la maîtrise affichés par l’hôte des lieux émettent de toute évidence des ondes positives. Reste une question banale, mais importante. Cédric Coutat se voit-il comme un leader ou comme un manager ? Là encore, la réponse est sans ambages. « Le leader est celui qui impulse et qui donne la direction. Le manager, lui, est plutôt dans la gestion. De toute façon, il existe un échelon essentiel qui permet de faire tourner les choses, c’est celui du middle management. »
« J’ai un mode de management plutôt collaboratif. Je m’entoure d’experts, chacun discute, on échange des points de vue »
L’expérience du travail hybride
Les grands patrons parlent souvent du télétravail et du travail hybride d’une façon théorique. Ils n’osent pas se l’approprier. Peut-être pensent-ils que, lorsqu’on assume de hautes fonctions, aussi exaltantes qu’éprouvantes, comme celles qui consistent à piloter la filiale française d’un grand du numérique, il faut toujours être là, ou dire qu’on est toujours là.
Pas Cédric Coutat. Chez lui : idée, action. Il a opté pour trois jours par semaine à Meudon, en région parisienne, et le reste du temps chez lui, à Annemasse, en Haute-Savoie. « Cette organisation est pensée. Le mardi matin, je prends ma voiture et la laisse à Bellegarde. Une fois arrivé à Paris, Gare de Lyon, je me
rends à Meudon. Même chose en sens inverse le jeudi soir. Tout ce qui nécessite ma présence
au siège se fait à Meudon, donc le mardi, le mercredi ou le jeudi. Tout ce qui ne requiert pas ma présence se fait à distance. »
Un tel fonctionnement illustre bien le mode de management prisé par le portraitisé du mois : donner du sens, s’impliquer, déléguer, faire confiance. Rester normal, mais aussi exigeant pour soi que pour les autres. Ce point est très important. Le travail hybride, auquel il croit de toutes ses forces, impose l’exemplarité, l’organisation et la capacité de travail.
Le choix d’Annemasse n’est d’ailleurs pas un hasard. Il est féru de montagne et y trouve son équilibre. La montagne, la marche, le silence, ne sont pour lui pas une option. Comme beaucoup de dirigeants assaillis de responsabilités, il lui faut se régénérer. Un esprit sain dans un corps sain, disaient les Anciens. Il s’y efforce.
Repères
Cédric Coutat a 48 ans. Il est marié et père de deux enfants.
Parcours
1976 Naissance et enfance à Châteauroux, dans l’Indre.
1994 Baccalauréat section E (techno et maths), au lycée Blaise-Pascal à Châteauroux.
2000 Diplôme de l’Institut français de mécanique avancée. Entre chez HP France comme responsable de la supply chain et de la planification EMEA.
2016 Directeur général PC région EMEA. Il deviendra vice-président de la division Systèmes personnels en Europe du Sud et au Moyen-Orient.
Depuis le 1er juin 2022 Président d’HP France.
J’aime
Musique J’aime surtout écouter en famille la variété française des années 1980.
Architecture Étant originaire du centre de la France, j’apprécie le Val de Loire, notamment le château de Chambord.
Cinéma J’aime le cinéma plutôt comique et contemporain, Les bronzés font du ski et Le père Noël est une ordure.
Lieu Le Berry, et spécialement Les Brioux, où mon grand-père était cultivateur. Nous y avons une maison de famille.
Gastronomie J’aime ce qui est à partager. Les repas ont toujours été très importants pour moi.
Passion La course de fond. Elle permet de s’isoler, de se poser, de penser et de réfléchir. Sport et loisirs Le basket, le ski et d’une façon générale tout ce qui a trait à la montagne.