Evernex, une cure de jouvence pour l’infrastructure IT
Le spécialiste de la tierce maintenance et du reconditionnement nous a ouvert les portes de son nouveau site à Massy qui regorge d’équipements parfois trentenaires nécessitant des compétences de pointe pour qu’ils fonctionnent comme au premier jour.
Juin 2024Par Vincent Verhaeghe à Massy (Essonne), photos Jules Despretz et Georges-Antoine Gary
Si les serveurs, mini-PC et mainframes parfois antédiluviens s’alignent par rangées entières dans les 3 000 m2 flambant neufs, le site d’Evernex à Massy (Essonne), ouvert en novembre 2023, n’est en rien un musée de l’informatique. Le cœur de métier de l’entreprise, c’est la tierce maintenance, la capacité à assurer la pérennité fonctionnelle d’infrastructures qui ne sont plus vendues ni même supportées par les constructeurs. Pour y parvenir, il faut répondre à deux critères : avoir un stock de pièces suffisamment étoffé pour conserver les solutions en état de marche le plus longtemps possible et disposer des compétences humaines pour les maintenir. Et ce n’est pas une mince affaire !
Le site de Massy d’Evernex gère ces deux problématiques. « Nous avons identifié plus de 18 000 équipements de nature différente dans le monde, souvent issus de marques qui n’existent même plus. Mais les entreprises ont besoin que ces infrastructures fonctionnent et font appel à nos compétences pour les maintenir opérationnelles », résume Cédric Fourgous, directeur technique d’Evernex. L’IT a beau être l’univers de l’éphémère et du remplacement perpétuel de l’ancien par du neuf, bien des anciens équipements doivent continuer à tourner coûte que coûte. « Par exemple, au sein même de l’Eurotunnel, il y a encore des serveurs VAX de Digital Equipement que nous maintenons car il serait extrêmement compliqué de les remplacer. Ces machines ont plus de trente ans mais, grâce à nous, elles restent opérationnelles. »
« Il faut garder à l’esprit que les entreprises cherchent davantage à faire des économies que du “green”. »
Marc Barbaret, directeur commercial d’Evernex pour l’Europe du Sud
On trouve des situations similaires dans l’industrie où des serveurs font tourner des applications spécifiquement conçues pour un client et qui ne peuvent pas être gérées par un serveur plus moderne sans un investissement conséquent. Les mainframes font partie des cas d’usage les plus typiques de la tierce maintenance. En effet, quand une entreprise a déboursé plusieurs centaines de milliers d’euros pour un gros système, elle tient à ce qu’il fonctionne le plus longtemps possible. C’est pourquoi, pour ses équipes, Evernex dispose à Massy de plus de 5 000 configurations différentes sur lesquelles les techniciens peuvent se former et intervenir. « Plus d’une centaine de formations sont d’ore et déjà disponibles, mais ce nombre augmentera rapidement », se félicite Cédric Fourgous.
La gestion des pièces détachées relève parfois de la chasse au trésor. Quand Evernex ne peut plus compter sur les marques, des équipes de spécialistes se mettent en quête de parcs en fin de vie ou en décommissionnement sur lesquels elles ont la possibilité de récupérer des pièces, de les tester et de les reconditionner… au rythme de plus de 2 000 nouvelles pièces par mois.
Ainsi, à Massy, plus de 150 000 pièces sont prêtes à être expédiées, en plus des 300 000 pièces du site « frère » de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) de 6 000 m2. « Que ce soit à Massy ou à Mitry, nous avons choisi de nous positionner près des aéroports afin d’être le plus réactifs possible car beaucoup des infrastructures de nos clients sont critiques. » Et les interventions ne se résument pas à la France. Evernex agit dans plus de 160 pays et sans sous-traiter à d’autres acteurs de la tierce maintenance.
Plus de 700 000 systèmes gérés
D’origine française et fondée il y a quarante ans sous le nom d’IB Marketing, la marque a notamment bénéficié en 2019 de l’arrivée du fonds anglais 3i pour se développer à l’international via de la croissance externe, par exemple avec A-Systems au Brésil, Storex en Afrique du Sud ou Technogroup en Allemagne. Plus récemment, elle a mis le pied aux États-Unis en acquérant Emcon-IT.
« Le marché de la tierce maintenance et du reconditionnement a un potentiel énorme, mais il est très disparate selon les zones géographiques. En France, par exemple, c’est un secteur qui est apparu très tôt avec des acteurs comme Osiatis ou Thomainfor, mais, aux États-Unis, c’est encore très loin d’être une préoccupation majeure, même si une prise de conscience commence à naître sous l’impulsion de la Californie », souligne Marc Barbaret, directeur commercial d’Evernex pour l’Europe du Sud. Au niveau mondial, Evernex gère plus de 700 000 équipements auprès de plus de 10 000 entreprises. Les appels entrants ne manquent pas, que ce soit de la part de clients finaux, des fournisseurs eux-mêmes quand des produits sortent de leurs catalogues mais aussi des canaux indirects, et notamment les grands revendeurs qui n’ont pas les ressources pour gérer les produits sur des cycles de vie très longs.
Le chiffre d’affaires d’Evernex provient à 75 % de ce service de tierce maintenance, le reste est issu de la vente de produits reconditionnés (15 %) et du leasing (10 %). L’activité revente pourrait toutefois croître rapidement puisque la marque envisage la mise en place d’un site marchand. Il faut également noter qu’Evernex ne prend en charge que des produits d’infrastructure et en aucun cas les postes clients ou les smartphones.
« Ce n’est pas le même métier. On nous adresse régulièrement des demandes de récupération
ou de tierce maintenance sur des parcs mais ça n’a pas d’intérêt pour nous car notre positionnement est de proposer des compétences que peu d’acteurs possèdent », insiste Marc Barbaret. Rien que dans l’infrastructure, le potentiel est énorme, et Evernex profite non seulement des changements réglementaires (telle la loi Agec qui requiert 20 % de produits reconditionnés dans les appels d’offres
publics) mais aussi de la posture favorable des entreprises vis-à-vis de l’écoresponsabilité depuis que la RSE est devenue un vrai sujet.
« Il faut quand même garder à l’esprit que les entreprises cherchent davantage à faire des économies que du green. En outre, elles sont prises entre la possibilité qu’on leur offre de faire durer leurs équipements le plus longtemps possible et les incitations de la part des marques à les remplacer en évoquant une indispensable modernisation », précise Marc Barbaret. Sur le plan écoresponsable en tout cas, un équipement dont on prolonge la durée de vie aura toujours une empreinte carbone inférieure à celle d’un nouveau produit, même s’il consomme davantage. La production d’un équipement est en effet bien plus génératrice de CO2 que son utilisation, surtout en France où l’électricité est en majorité décarbonée.