Acer pousse dans le vert

Par son histoire, par sa philosophie et par sa stratégie, Acer est une entreprise atypique. Figurant en bonne place parmi les géants de la high-tech mondiale, elle fait désormais du « green » sa marque de fabrique.

1976 n’a pas été seulement l’année de naissance de l’ordinateur à la pomme. À 10 000 km de la Silicon Valley, sur la minuscule île de Taïwan, un certain Stan Shih fondait une petite entreprise qui allait bientôt défier les géants IBM, Atari ou Commodore sur le nouveau créneau de l’ordinateur personnel.

Moins flamboyant que Steve Jobs, l’humble Stan Shih n’en a pas moins autant de culot. Ce fils d’épicière crée donc cette année-là Multitech, une société spécialisée dans l’électronique qui lancera en 1981 ses premiers ordinateurs « compatibles PC ». Six ans plus tard, elle est rebaptisée Acer et les ventes décollent rapidement.

Premiers contrats de sous-traitance, premiers succès à l’international. Acer devient vite un géant et rivalise sans complexe avec les mastodontes comme HP ou Dell. En 2010, c’est la consécration. Le groupe atteint 600 milliards de dollars taïwanais de chiffre d’affaires (soit 17,8 milliards d’euros).
La presse économique taïwanaise le classe alors deuxième fabricant mondial de micro-ordinateurs. Une compétition exacerbée fait cependant rage et n’épargne personne.

« Mieux que des plates-formes de stockage, nos grossistes apportent une réelle valeur ajoutée aux partenaires revendeurs »

Younès Bassiri, responsable de la distribution chez Acer France

En route pour la reconquête

Acer traverse des périodes difficiles et risque même de tomber dans le rouge lorsque ses concurrents massacrent allègrement les prix. Au début des années 1990 notamment, la situation est inquiétante.

Convaincu que se battre uniquement sur les prix n’est pas la meilleure solution pour être profitable,
le groupe opte pour une autre voie. Il parvient à repartir de plus belle à la conquête de la croissance en adoptant quatre axes stratégiques dont il ne déviera pas : se distinguer par une grande variété de l’offre et se concentrer sur la qualité des produits plutôt que sur la quantité, choisir le modèle de la vente indirecte et pousser le « green IT ».

Premier élément de cette alchimie, le constructeur a largement diversifié son catalogue de produits : notebooks, panneaux solaires pliables, moniteurs, vidéoprojecteurs, desktops, Chromebook, routeurs WiFi, all-in-one, trottinettes électriques.

Il s’est notamment réinventé dans le gaming. Ce vaste portfolio lui permet de cibler les marchés du corporate, des particuliers et de l’éducation. Les gammes Nitro et Predator en particulier constituent une manne pour Acer. « Aujourd’hui, nos produits dédiés aux accros des jeux vidéo représentent environ 30 % de nos revenus », indique Karim Ouahioune, directeur marketing et communication d’Acer France.

Pour rivaliser avec la concurrence, le constructeur taïwanais a une recette : la montée en gamme de ses offres B to C et B to B. Parmi les modèles illustrant cette stratégie figure le Swift 7. Sorti en 2017, ce laptop polyvalent au design soigné, tout en aluminium, doté d’un écran 13,3” Full HD ainsi que de la technologie CineCrystal, affiche 9,98 mm d’épaisseur et un poids de 830 g. Présenté alors comme « l’ultrabook le plus fin au monde », il volera la vedette à d’autres portables de pointe du marché, tels que le Spectre 13 d’HP (10,4 mm d’épaisseur et 1,11 kg).

Outre un SAV basé à Angers et sa gamme eco-friendly Vero, le constructeur matérialise sa stratégie écologique en commercialisant un bureau-vélo pour recharger les appareils électroniques.

Surfer sur la vague écolo

Outre l’innovation, Acer entend se distinguer en faisant la course en tête dans l’informatique verte. À une époque où de plus en plus de décideurs font des gestes en faveur de l’environnement lors du renouvellement de leur matériel informatique, ou du greenwashing dans le but de coller une image écologique à leur entreprise, Acer affiche une dimension « écolo » comme une de ses priorités pour répondre à la problématique de la RSE.

Même si l’approche tend à se généraliser dans l’industrie informatique, l’entreprise de Taipei veut faire figure de précurseur en la matière. Elle fait ainsi rimer technologie et écologie avec sa gamme de notebooks, de desktops et de moniteurs Vero. Elle introduit l’usage de matériaux recyclés dans la conception de ses appareils ainsi que des logiciels de gestion des dépenses énergétiques.

L’Acer Swift Go 14 AI-Ready est l’un des premiers portables du marché à embarquer des processeurs Intel Core Ultra. Il intègre des fonctionnalités d’IA telles que les PurifiedVoice et PurifiedView pour optimiser les visioconférences.

Accélérer l’intégration de l’IA

L’écologie en étendard ne protège toutefois pas des soubresauts du marché IT que subissent même les leaders. En 2022, après la parenthèse enchantée de la frénésie d’achats de matériel informatique entraînée par le télétravail lors des confinements, nouveau coup de massue pour Acer. La demande des consommateurs et des entreprises s’écroule brutalement. Du jamais-vu chez le fournisseur et ses revendeurs ! « Quasiment du jour au lendemain, on est passé d’une hausse de 30 % à une baisse de 12 % », résume Younès Bassiri, responsable de la distribution d’Acer France.

C’est tout le secteur du PC qui est alors sous pression. La firme de Stan Shih, auquel succède Jason Chen, demeure confiante dans son avenir et relève ce nouveau défi en se focalisant sur une meilleure rotation des stocks chez les grossistes. « Nos grossistes ne sont pas des “pousseurs de boîtes”. Nous attendons d’eux qu’ils soient une force d’accélération de la mise en vente des produits Acer », explique Younès Bassiri.

Pour permettre aux revendeurs d’écouler lesdits produits en bénéficiant de bonnes marges, consigne est donnée d’éviter les excédents qui se soldent par des promotions à tout-va. « Nos résultats les plus récents sont encourageants, rassure Karim Ouahioune. Ces derniers mois, nos revenus ont cessé de baisser. »

L’embellie complète espérée par Acer est celle que l’ensemble du monde de la tech attend : un meilleur climat macro-économique, un arrêt de l’inflation, un renouvellement des équipements obsolètes… et un engouement pour l’intelligence artificielle. « Nous allons accélérer l’intégration de l’IA dans des nouveaux modèles à même de stimuler la demande », a promis Jason Chen, pour qui il s’agit d’un enjeu crucial.