Portrait de Corine de Bilbao - Microsoft

Corine de Bilbao – Présidente de Microsoft France – Pasionaria de la transformation

Loin d’opposer la tech à l’industrie où elle a effectué la première partie de sa carrière, Corine de Bilbao souligne la complémentarité et l’appétit de transformation qui animent les deux secteurs.

Juin 2022
Par Vincent Verhaeghe

La nomination de Corine de Bilbao à la tête de Microsoft France en juillet 2021 fut une double nouveauté pour le groupe : c’est la première fois qu’une femme préside cette entité, et que son dirigeant n’est pas issu directement de l’univers de la tech. Si les deux années qui précèdent son arrivée se déroulent à la direction du groupe Segula Technologies, c’est avant tout chez General Electric (GE) qu’elle marquera son empreinte. Elle y entre en 1989 et y consacre trente ans de sa carrière au cours desquels elle gravit les échelons jusqu’à la direction de la filiale française. Santé, supply chain, énergie, etc., elle maîtrise sur le bout des doigts ces fortes verticales sans opposer pour autant cet univers industriel à celui de la tech, bien au contraire. « Dans les deux cas, nous voici dans des domaines technologiques par essence. Jeffrey Immelt, l’ancien CEO de General Electric disait déjà, en 2010, que toute entreprise devient une société du software, à un moment ou un autre. Et nous disposions d’ailleurs d’une software factory à Paris, non seulement pour nos besoins internes mais aussi pour commercialiser les solutions que nous développions dans le cadre de la transformation digitale de l’industrie. » Le mot transformation revient comme un leitmotiv dans ses paroles, mais sans attendre sa venue chez Microsoft pour en faire le fil rouge de sa carrière. « Cela fait une dizaine d’années que la tech et l’industrie sont imbriquées, un processus accéléré par la Covid-19, que ce soit sur des projets de mutation, ou en donnant une prise de conscience aux entreprises qui n’avaient pas encore changé de cap. C’est d’autant plus vrai que l’industrie dépoussière son image un peu désuète pour apparaître un des secteurs les plus à la pointe en matière de technologie. » Arrivée dans l’industrie un peu par hasard, même si son MBA spécialisé en supply chain laissait entrevoir une appétence pour le sujet, Corine de Bilbao y est ainsi restée Aussi par conviction.

Selon elle, sa venue chez Microsoft obéit plus à une suite logique qu’à une véritable rupture professionnelle. Chez General Electric ou chez Segula Technologies, elle oeuvre dans des groupes de taille significative, mais méconnus du grand public, surtout en France. Chez Microsoft en revanche, la voici propulsée à la direction d’une marque que tout le monde connaît, voire utilise peu ou prou. « En effet, tout le monde entend parler de Microsoft, mais bien souvent à travers une image tronquée qui ne reflète pas l’immense mutation de cette entreprise, notamment depuis huit ans, et par l’action de Satya Nadella à sa tête. Beaucoup nous voient encore comme un éditeur qui vend des licences, alors nous sommes un acteur fondamental du cloud, de la mutation des entreprises et même des métiers. On vient nous chercher pour cela. »

Portrait de Corine de Bilbao - Microsoft

« Nous sommes loin d’une relation entre un fournisseur et un revendeur avec les startups, ISV ou MSP, qui possèdent leurs spécificités »

L’IMPORTANCE DU CHANNEL

L’empreinte que possède Microsoft, sur l’emploi ou les territoires, est un des éléments qui la séduit au moment de choisir la direction de la filiale française. « J’avais déjà une image positive de Microsoft avant d’en faire partie, mais la réalité a dépassé ce que j’imaginais. » Elle rappelle, à ce titre, que si la firme de Redmond emploie directement 2 000 collaborateurs en France, tout son écosystème, englobant ses 10 500 partenaires, représente 80 000 personnes, soit 15 % des actifs du secteur de l’IT dans l’Hexagone. Ces chiffres considérables¹ soulignent aussi que chaque euro de C.A. généré par Microsoft permet à ses partenaires d’en engranger six fois plus. Dire que Corine de Bilbao a immédiatement intégré l’importance du channel pour la marque est donc un euphémisme. Voilà un sujet qu’elle aborde souvent lors des conférences auxquelles elle participe. Elle s’y intéresse d’autant plus que ce channel a pris une dimension plus hétérogène que par le passé, et tisse des liens nouveaux avec le groupe. « On retrouve parmi nos partenaires des MSP, des ISV, des startups que nous accompagnons au quotidien… chaque catégorie possède ses spécificités, nous sommes loin d’une simple relation entre un fournisseur et un revendeur. À titre d’exemple, un quart de nos partenaires ont développé au moins un brevet basé sur nos technologies. » Ces changements sont parfois mal perçus par des revendeurs plus traditionnels, mais Corine de Bilbao assure que l’accompagnement et l’engagement de Microsoft restent immuables. « Nous les aidons aussi à se transformer, même si c’est plus compliqué pour les PME. Nous offrons des programmes de recrutement, de formation et cinq laboratoires en régions qui connaissent le tissu socio-économique local. La mutation des partenaires est une des clés de celle des entreprises. » Un message qu’elle fera passer lors de l’évènement Inspire destiné au channel, en juillet 2022.

Portrait de Corine de Bilbao - Microsoft

« J’avais une image positive de Microsoft avant d’en faire partie, mais la réalité dépasse ce que j’imaginais »

INITIATIVES TOUS AZIMUTS

Qu’elle ait été « chassée » par Microsoft ou qu’elle se soit portée candidate elle-même à la succession de Carlo Purassanta, Corine de Bilbao reste évasive sur les arcanes de sa nomination expliquant laconiquement en souriant que leurs chemins se sont croisés. Mais surtout, la marque répond à ses aspirations en termes de valeurs et de rapport à la société. Elle y arrive dans une période complexe, certes pas au plus fort de la pandémie, mais assortie de l’obligation d’intégrer les évolutions dues à l’essor du travail hybride. « À titre personnel, je suis le plus souvent possible au bureau, et j’apprécie de rencontrer les équipes et les collaborateurs. Chez Microsoft, nous avons la chance d’avoir adopté les nouveaux comportements liés au travail hybride en amont de la crise de la Covid-19, et nous disposons, avec Teams d’un outil parfaitement adapté. Nous comptons aussi sur une équipe en charge de définir les bonnes pratiques en la matière car les attentes changent. Ce développement du travail hybride est sans doute le plus gros bouleversement qui s’est produit dans le monde du travail depuis la révolution industrielle. » Un changement de codes qui, comme elle le souligne, entraîne des paradoxes qu’il faut savoir gérer. Par exemple, selon le rapport Work Trend Index², 73 % des personnes interrogées souhaitent continuer de travailler à distance, mais plus de 60 % réclament aussi davantage de lien social. Plus étonnant encore, 81 % des salariés en France se disent autant voire plus productifs en télétravail, alors que 52 % des managers craignent que la production ait plutôt baissé. Un casse-tête pour une dirigeante ! « La réalité est qu’il faut baser les relations sur la confiance et définir des objectifs communs comme nous le faisons avec les Viva Goals. Il faut créer de l’engagement tout en favorisant l’inclusion, et une des grandes forces de Microsoft est d’agir sur ces points aussi bien auprès de ses propres collaborateurs qu’envers la société. » Corine de Bilbao est en effet à la bonne enseigne, et on ressent son intérêt pour les nombreuses initiatives de la marque, notamment en France. La part des femmes dans l’IT – elle est bien placée pour en parler – reste désespérément basse. « À propos de la cybersécurité par exemple – un des domaines où Microsoft se développe le plus – le taux de féminisation est bien inférieur à 20 %. Il y a un gros travail à faire et nous montrons la voie avec, chez nous, 34 % de femmes et même plus de 50 % au comité de direction. » Elle se réjouit ainsi du programme SOS Hackeuses réalisé en partenariat avec l’école Simplon qui propose une formation en cybersécurité entièrement gratuite, réservée à des femmes et sans prérequis de diplôme. Une initiative dans la lignée de l’École de l’I.A., créée en 2018, qui a déjà formé plus de 1 000 personnes en reconversion professionnelle, toujours en relation avec des partenaires recruteurs. « Les mutations sociétales m’intéressent au premier plan, et j’ai toujours pensé que les changements se produisent d’abord au sein des entreprises avant de concerner la société elle-même. »

1 Les résultats se fondent sur une étude réalisée en février 2021 par le cabinet Roland Berger.
2 Le Work Trend Index est une étude annuelle conduite par Microsoft, réalisée en mars 2022 auprès de 31 000 employés couvrant 31 pays.

Portrait de Corine de Bilbao - Microsoft

« Une des grandes forces de Microsoft est d’agir sur l’engagement tout en favorisant l’inclusion, autant auprès de ses propres collaborateurs qu’envers la société »

REPÈRES
Corine de Bilbao est mariée et mère de trois filles
PARCOURS (SÉLECTION)
1987
Diplômée de sciences po Bordeaux En économie et finance
1988 MBA en sourcing et supply chain au MAI Institute of Purchasing Management19 89 Responsable du sourcing puis du service GE Healthcare
2000 Directrice Europe du sourcing GE Energy Products
2003 Directrice commerciale GE pétrole et gaz
2008 Vice-présidente commerciale produits
2011 Directrice générale Europe GE pétrole et gaz
2014 Vice-présidente commerciale des systèmes sous-marins GE pétrole et gaz
2016 Présidente et CEO de GE France
2019 Segula Technologies International, CEO Depuis juillet 2021 Présidente de Microsoft France

J’AIME
Musique : Dire Straits, Genesis, le rock et le reggae
Littérature : La littérature espagnole et sud-américaine. Gabriel García Márquez, Isabel Allende, et Carlos Ruiz Zafón pour « L’Ombre du vent »
Cinéma : Pedro Almodóvar bien sûr !
Lieux : La Caldeira de Santorin et son coucher de soleil, l’Andalousie
Théatre : Alexis Michalik et Mélody Mourey
Passions : Les voyages, l’art (Marc Chagall)