Beatrice Kosowski - IBM

Béatrice Kosowski, Présidente d’IBM France, l’énergie au service de la transmission

Dynamique, spontanée et généreuse, c’est Béatrice Kosowski au naturel. Même si son tempérament fonceur peut impressionner, il est tempéré par le goût des autres et la volonté absolue d’être utile.

Mai 2023
Par Pierre-Antoine Merlin, photos Jim Wallace

En amorçant l’écriture de ce portrait, le rédacteur se sent comme désarçonné. La présidente d’IBM France dégage une énergie, une envie d’être, à l’évidence très supérieure à celle d’avoir. Car le propre des personnes en mouvement est d’échapper à autrui, fût-ce contre leur gré. Leur équilibre est à ce prix. Seule la dynamique les anime. Ils sont et demeurent toute leur vie de vif-argent. C’est ce qui fait tout ensemble leur charme et, parfois, la difficulté à les suivre.

Pourtant, Béatrice Kosowski est accessible. Sympathique, même. Pleine de reconnaissance et de gratitude : c’est même ainsi qu’elle commence l’entretien. « Mon enfance et ma jeunesse se déroulent dans un bonheur lumineux. Je nais dans une famille où dominent l’ouverture, le sens de l’accueil et de la générosité. J’ai une sœur, un frère, des parents aimants. Avec, très rapidement, la conscience d’être privilégiée. C’est cette certitude qui me pousse en avant. J’ai tellement eu, tellement reçu, que je dois donner beaucoup. »

Beatrice Kosowski - IBM

Le bonheur des années de formation

Il est rarissime d’entendre, y compris et surtout dans l’exercice du portrait, une entrée en matière si enthousiaste. Est-elle factuelle ? La recréation due à l’embellissement des souvenirs joue-t-elle un rôle dans cette description idyllique ?

Beatrice Kosowski - IBM

Apparemment, non. C’est bien comme cela que les choses se sont passées, assure Béatrice Kosowski. Côté études, en tout cas, la trajectoire s’avère régulière et prometteuse. Cette fille de polytechnicien, douée pour les disciplines scientifiques, grandit en région parisienne, à Rueil-Malmaison. Son énergie, déjà inépuisable, trouve rapidement l’occasion d’être canalisée. « Chez nous, il y avait le culte de tout ce qui conduit à la liberté et à l’indépendance. Cela ne m’a jamais quittée. D’ailleurs, la famille a été pour moi l’expérience d’une grande stimulation. Outre ce que j’ai indiqué, mes parents étaient également exigeants. »

Dans une école confessionnelle de l’ouest parisien, la jeune Béatrice apprend « la capacité à se concentrer, à s’organiser et à respecter une méthode ». Les étapes s’enchaînent logiquement : elle obtient un baccalauréat C puis effectue une année de prépa destinée à préparer le concours d’entrée aux grandes écoles de commerce. Elle décroche l’Essec, une des meilleures du genre. Là aussi, son énergie et sa résilience ont un besoin vital de s’incarner.

« Ma capacité à entraîner les équipes est fondée sur un principe : rester soi-même. Et progresser sur son impact. »

Elle crée donc, pendant sa scolarité sur le site de Cergy, une entreprise dans le domaine du marketing.  L’expérience durera six ans et se soldera par un échec, douloureux mais fondateur. Ensuite, elle entre dans un groupe de cosmétiques. Son honnêteté intellectuelle et sa reconnaissance spontanée jouent encore à fond. « On m’a tendu la main », déclare-t-elle simplement. Mais le meilleur, le plus important en tout cas, reste à venir.

Big Blue sans Big Blues

En 1994 vient le déclic. Béatrice Kosowski reçoit une proposition d’IBM, qu’elle accepte. Elle ne le sait pas encore, mais cette circonstance scelle le destin de sa vie professionnelle et même un peu personnelle. Les allers-retours incessants entre Paris et Toulouse, entre famille et travail, sont rudes. Même pour une dirigeante engagée avec ferveur dans tout ce qu’elle fait. D’autant plus que, en 1994, IBM, leader incontesté de l’informatique mondiale, est menacé dans ses fondements. L’irruption des micro-ordinateurs, et bientôt d’internet, fragilise le mastodonte qui cherche à tâtons l’électrochoc salutaire.

L’arrivée à la tour Descartes, à l’orée du quartier d’affaires de la Défense, est donc mouvementée. Il faut tout changer, se transformer – déjà. Pendant trente ans, à tous les postes qu’elle occupe, Béatrice Kosowski s’efforce de mettre à profit son éducation, son expérience, son sens du devoir, son plaisir de vivre, son ambition et ses propres conceptions. Elle avance et cherche à embarquer ses équipes. Elle a ce mot étonnant, jamais entendu mais tellement parlant : « Je construis mon courage. » Une attitude modeste et ambitieuse, qui lui sera bien utile lorsque, à l’aube de la décennie 2020, elle parviendra à la tête de la filiale française d’IBM, sise à Bois-Colombes dans un cadre qui lui ressemble.

L’endroit est ouvert, strié de baies vitrées, d’arbres disséminés, de silence. Comme une représentation mentale du groupe. Difficile d’accès, conquis après un parcours ingrat, mais avec une espèce de sérénité à l’arrivée. Pendant ces longues années où elle prend les responsabilités les plus variées dans le groupe (lire en encadré), son bréviaire personnel se résume en quelques phrases. Elles valent beaucoup de livres de management. « Encore une fois, on apprend plus des échecs que des réussites. Cela me convient car j’ai une énorme envie d’avancer, une soif palpitante et enthousiaste. Je crois aux mains tendues, elles sont souvent extraordinaires. Je crois au rebond. On a souvent l’impression de repartir à zéro, mais ce n’est pas vrai. On continue. Il faut d’abord évacuer la peur. Et aider les gens dans ce sens : identifier la peur, la canaliser, puis l’évacuer. C’est très important si l’on veut progresser, ne pas se complaire. »

Beatrice Kosowski - IBM

« En situation délicate, il faut l’alignement, et peser le différentiel positif comme force d’entraînement »

Le grand tournant

En 2020, elle prend donc les rênes d’IBM France. La période est à l’aune des défis qu’elle impose : exigeante. Et compliquée, parfois. C’est sans doute pour cela qu’elle a été choisie. On trouve de tout dans la situation dont elle hérite : la scission d’une partie du portefeuille d’activités avec la création de Kyndryl, l’irruption de la Covid-19, les problèmes sociaux, le changement d’organisation. De quoi s’occuper pendant les longues soirées d’hiver.

Là encore, elle fait le point. Comme le général de Gaulle qui « volait vers l’Orient compliqué avec des idées simples », la présidente garde son sang-froid et l’optimisme chevillés au corps. Avec, corollaire indispensable, le parler vrai. « Ma capacité à entraîner les équipes est fondée sur un principe : rester soi-même. Et progresser sur son impact. Exemple : le style du groupe était viril. J’ai voulu faire bouger tout ça, et bien d’autres choses. En situation délicate, il existe plusieurs impératifs : il faut l’alignement, voir le côté positif de la chose, peser le différentiel positif comme force d’entraînement. Et faire le job. »

Durant ces instants où elle parle d’une traite, elle baisse un peu la tête, entre dans son univers pour éprouver la sensation, trouver le mot juste et finalement l’exprimer. Ce qui ne facilite pas le travail du photographe, mais aide le rédacteur à être encore plus attentif. Puis, elle reprend. « Bien sûr, des moments de solitude existent, mais aussi et surtout un plaisir mental, émotionnel, physique à piloter l’ensemble. »

Ce qui frappe à cet instant de la rencontre, déjà bien avancée, c’est la profonde unité qui sert de viatique, personnel et professionnel, à Béatrice Kosowski. Dans tous les compartiments de sa vie, depuis son enfance à Rueil jusqu’à son grand bureau au-dessus des arbres qui commencent à bourgeonner, réside un calme que ne contredit pas son goût de l’action et du partage. Les deux cohabitent. Sérénité de fond et action perpétuelle. En d’autres termes, elle est active et non fébrile. « Je suis très heureuse chez IBM. Je me projette. Je me régale. » Chez tout autre qu’elle, on crierait à la supercherie. Pas du tout. « J’adore la diversité générationnelle. Quand on se met ensemble, c’est puissant. Lorsque j’écoute mes filles, cela m’aide. Elles m’inspirent. »

« Des moments de solitude existent, mais aussi un plaisir mental, émotionnel, physique à piloter l’ensemble »

Beatrice Kosowski - IBM

Tout fonctionne en structure

Il n’est pas d’usage, dans le cadre de cette rubrique, d’insister sur les passions extérieures. Il le faut, pourtant, en la circonstance. La vie de Béatrice Kosowski ne se conçoit que reliée. Le nombre et l’intensité de ses engagements associatifs et humains sont impressionnants. Tous sont fondés sur l’inclusion.

Exemples de cette volonté d’être et de faire, tirés de domaines variés : elle contribue au développement du programme P-Tech dans les lycées. Au lancement de l’académie I.A. en faveur des demandeurs d’emploi. à l’initiative B Equal pour promouvoir le rôle des femmes. « Je crois au leadership au féminin, et surtout à la mixité des talents et à l’esprit d’équipe, sources de créativité et d’innovation. »

Et ce n’est pas tout : elle participe, et encourage à participer, à la recherche active et déterminée contre l’autisme. Une affiche est bien visible devant l’accueil d’IBM France. Il faudrait parler de bien d’autres choses, comme de son goût intime, fondateur, pour l’art pictural. Une passion matérialisée par l’inspiration qui surgit parfois en elle, la nuit, comme impérieuse. Il faut se rendre à l’évidence : dans la vie, il y a celles et ceux qui se réveillent la nuit en se demandant comment transcrire la richesse d’un portrait, et d’autres qui se réveillent touchés par la grâce.

Repères

Béatrice Kosowski a 57 ans. Elle est mère de deux grandes filles.

Parcours (Sélection)

1987 Diplômée de l’Essec. Tout en étudiant, elle crée et développe une jeune pousse dans le domaine du marketing.
1994 Entre chez IBM.
2001 Office Director IBM Europe EMEA General Manager
2005 President of IBM Global Financing
2011 VP, Managing Director (pour le groupe SNCF).
2015 General Manager, Global Technology Services.
2019 Administratrice de Syntec Numérique (désormais Numeum).
Depuis octobre 2020 Présidente d’IBM France.

J’aime…

Musique Le blues. J’aime beaucoup jouer de la guitare.
Litterature Belle du Seigneur, d’Albert Cohen.
Cinéma Le Patient anglais.
Lieu La Corse.
Gastronomie Je réussis le carpaccio de saint-jacques au yuzu, et j’aime les grands bourgognes.
Passion La profondeur et la vérité des relations humaines.
Loisirs Tout ce qui se rapporte à la peinture, art que je pratique.