La location financière accompagne la reprise de 2024
Après deux années de forte croissance sur le marché du PC, le ralentissement de l’IT de 2023 a été difficile pour la plupart des acteurs du marché de la location financière, mais 2024 devrait être plus facile.
Mar 2024Par Cécile Dard
« 2023 fut une année de challenge en raison du marché des équipements IT en récession avec une baisse de 13,8 % des ventes en volume au niveau mondial [source IDC] et une hausse très importante et rapide des conditions de refinancement sur les marchés avec des taux directeurs de la Banque centrale européenne multipliés par deux en treize mois », avoue le président de Mile, Arnaud Rouillier.
Une année difficile à boucler pour beaucoup, mais qui s’est terminée mieux qu’elle n’a commencé. « Après le bond d’équipement pendant la Covid-19, il y a eu un fort contrecoup avec une chute de la demande en 2022 et en 2023, et plus de défaillances d’entreprises fin 2023, retrace Cyril Marlaud, président de Realease Capital. Il était plus difficile d’avoir des accords de financement fin 2023 mais, avec nos douze bailleurs, nous arrivions à trouver des solutions. »
La fin du tunnel
Les prévisions pour 2024 sont plus optimistes, avec des projections de reprise à la hausse de 3,4 %, selon IDC, et la stabilisation des taux d’intérêt. « Les conditions de refinancement sont stabilisées à des conditions qui peuvent paraître élevées, mais restent inférieures de moitié à celles que nous avons connues dans le milieu des années 1990, rappelle Arnaud Rouillier. Les taux des banques centrales semblent stabilisés, d’après les experts, et nous n’aurons donc plus besoin de faire le grand écart pour boucler dans des conditions normales. »
Même analyse chez le spécialiste français du leasing ASF Consulting : « Nous sortons de cinq ans de taux extrêmement bas. Les gens ont pris cela pour argent comptant et ont du mal à revenir à des taux normaux, mais on peut espérer qu’ils oublient les références aux taux extrêmement bas du passé », souhaite le cofondateur et directeur général Hervé Maron.
Les cabinets d’étude de marché et les fabricants entrevoient ainsi la fin du tunnel après deux années difficiles. Une bonne nouvelle pour les spécialistes de la location financière qui anticipent une reprise des projets en équipement informatique. En effet, dans ce contexte économique et géopolitique chahuté, la location financière s’avère plus que jamais un outil puissant pour financer sa croissance tout en préservant sa trésorerie. « Nous avons un métier dans un domaine assez résilient, car toutes les entreprises ont recours au leasing aujourd’hui », confie Sébastien Luyat, président d’Axialease.
Le marché de la location bénéficie du passage ces dernières années d’une économie de propriété à une économie d’usage dans de nombreux domaines, à l’image de l’informatique depuis longtemps. « La location, vecteur d’un usage responsable, s’inscrit chaque année un peu plus dans l’air du temps. Elle devient le standard de bonne gestion des actifs évolutifs, comme l’IT, ce qui ne signifie pas que nous devons nous endormir et nous laisser porter par la vague », commente Arnaud Rouillier. Les loueurs sont d’ailleurs en phase d’observation et d’intégration des évolutions technologiques qui impactent leur métier, comme le développement de l’intelligence artificielle (IA) dans leurs outils.
« La location, vecteur d’un usage responsable, s’inscrit chaque année un peu plus dans l’air du temps »
Arnaud Rouillier, président de Mile
Plus d’IA au service de la location financière
La technologie de l’IA peut accélérer l’automatisation des processus du métier de la location financière en fournissant des capacités améliorées aux loueurs. Mais ce sont d’abord les banquiers qui l’utilisent, indique Hervé Maron. « On ne sait pas encore bien quoi en faire, comment et où l’utiliser. L’IA sert pour le scoring des banques et nos outils de scoring nous permettent de préqualifier les dossiers. Mais l’IA va aussi nous aider dans d’autres domaines en interne. »
Son intégration est déjà en cours dans la majorité des loueurs interrogés, notamment pour améliorer les outils de scoring et rendre les organisations plus efficientes. « On optimise nos développements pour bénéficier de l’IA et améliorer nos processus, l’accueil client et la satisfaction client grâce à un robot digital basé sur l’IA qui traite tous nos petits tickets, l’humain se concentrant sur les plus gros dossiers, au-delà de 30 000 euros, explique Cyril Marlaud. L’IA ne sait pas traiter l’analyse fine des gros dossiers, mais elle aide les hommes à se concentrer sur ce qui est important. Il est préférable de contrôler que de produire. »
Realease se sert aussi de l’IA pour simplifier la production de contrats et capter les devis fournisseurs en limitant les erreurs humaines. Ces technologies seront par ailleurs utilisées pour assimiler les futurs règlements de facturation numérique imposés en 2026.
Certains sont très avancés, comme Locam, où deux grands chantiers sont basés sur cette technologie. Le premier, sur le score d’octroi des financements pour gérer la sélection des clients et qui s’appuie sur un module d’IA, sera mis en place au premier trimestre 2024. Le second sur le module de détection des fraudes afin de trouver comment détecter les tentatives de fraudes sur les modules digitaux sans allonger la fluidité du parcours client.
« Avant, le scoring se faisait via le croisement de données et d’historiques. Avec l’IA et l’autoapprentissage, grâce aux éléments que nous décidons, le score s’enrichit de l’expérience et en emmagasine en permanence, constate Gilles Torrillon, directeur général de Locam. L’IA doit nous permettre d’être plus fin dans l’analyse et plus réactif. Tout le monde va utiliser l’IA, mais c’est la façon de l’utiliser qui fera la différence. »
Tous suivent donc de près cette technologie. « Nous avons pour objectif de travailler autour de l’IA avec une personne dédiée à la veille technologique et nous regardons comment l’intégrer. C’est incontournable, évidemment », confirme David Javelaud, responsable des partenariats et des marchés spécialisés de Factofrance.
Toujours plus de services et de matériels reconditionnés financés
Les loueurs sont unanimes, la tendance est aux contrats de location tout compris et ils prélèvent ainsi les frais de services et de maintenance en plus du matériel. « Les services et la maintenance sont de plus en plus inclus dans les contrats tout-en-un, à l’image des contrats de leasing automobile qui incluent l’entretien. C’est une demande dans tous les actifs aujourd’hui », explique Cyril Marlaud, président de Realease Capital.
Le besoin de financement de la maintenance est d’ailleurs tiré par la croissance de la demande de location financière pour du matériel de seconde main reconditionné. « Les solutions dédiées au matériel d’occasion reconditionné se développent toujours plus pour répondre à une réelle demande des clients finaux de nos partenaires », confirme Gilles Torrillon, directeur général de Locam. Les contraintes d’objectifs de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) tirent le marché, confirment bailleurs et courtiers.
« La RSE ce n’est plus seulement du marketing aujourd’hui. Avant, les bailleurs ne voulaient pas financer l’occasion. On passe d’une intention marketing à de vrais process de seconde vie et de recyclage produit, constate Cyril Marlaud. Nous orientons de plus en plus nos offres vers le marché du reconditionné et de l’occasion. Il y a de la demande, y compris sur les marchés publics et les appels d’offres depuis que la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, dite Agec, impose aux acheteurs de l’État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, 20 % à 40 % d’achats de matériels reconditionnés dans les contrats. »